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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/47

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suivant d’autres, en 1798, et non pas en 1802, tant les circonstances de sa biographie sont restées incertaines. Mme de Staël ayant désormais attiré sur elle seule tout l’éclat qui devait, aux yeux de la postérité, illustrer ce nom.

Pour elle, une période toute nouvelle avait commencé. Personne n’ignore avec quelle ardeur elle s’était jetée au milieu des passions soulevées autour d’elle, afin d’épargner à ses compatriotes, si elle l’eût pu, de grandes infortunes, de terribles fautes, des crimes même. Ce beau temps de sa vie est bien connu. Nous en avons vu aujourd’hui le prélude, qui était ignoré. Il n’était pas sans intérêt de restituer un des aspects qu’offrent la vie et le talent d’une femme dont l’influence intellectuelle et morale a été considérable, et qui représente fidèlement plusieurs faces du temps prodigieux où elle a vécu. Nous avons contemplé en elle le témoin spirituel et enjoué de la société du XVIIIe siècle, et nous avons vu poindre le témoin éloquent, parce qu’il est ému, de la plus tragique époque dont les annales humaines aient conservé le souvenir. C’était pour nous un sujet d’étude littéraire et morale en même temps que d’étude historique.

Après ces deux périodes de la vie de Mme de Staël, correspondant l’une aux dernières années de l’ancien régime, l’autre à la durée du gouvernement républicain, il y en a bien une autre qu’il serait fort curieux d’examiner de près avec les documens inédits qui s’y rapportent : c’est celle pendant laquelle, fuyant la France qui avait accepté un maître, elle répand dans les pays étrangers son génie ardent, à la fois sympathique et inspirateur, se mêlant à la vie politique et littéraire de ses hôtes étonnés, leur apportant ses nobles instincts et son charme étrange, et s’assimilant de leurs idées ou de leurs impressions ce qui convenait à son esprit tout français, ce qui devait en nourrir la sève déjà puissante. Soit que l’on fouillât les archives des pays où elle a résidé, soit qu’on y interrogeât des traditions ou même des souvenirs vivans encore, les renseignemens nouveaux ne manqueraient pas pour retracer, à la suite d’une étude sur Mme de Staël ambassadrice, le rôle intéressant et multiple de Mme de Staël en exil.


A. GEFFROY.