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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/530

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qu’ayant lu ses deux ou trois premiers théorèmes, ils lui parurent si simples, que l’énoncé seul lui apprenait la démonstration. M. Biot doute fort de cette histoire, et il a raison ; pourtant il est certain que Newton dit plus tard lui-même au docteur Pemberton qu’il avait dans sa jeunesse négligé et méprisé Euclide et les géomètres. Son vrai maître fut Descartes. Il commença l’étude des mathématiques par celle de l’algèbre, et il y devint dès le premier moment fort habile. Quoiqu’on ait trouvé ces mots écrits de sa main : Error, error, non est geom., en marge d’un exemplaire de la Géométrie de Descartes, il est certain qu’il fut initié à ses études favorites par celui dont il devait plus tard renverser les théories.

Il n’y eut presque pas d’intervalle entre le moment où Newton prit le goût des mathématiques, celui où il les sut, et ; celui où il fit des découvertes. Après Descartes, il avait acheté Schooten et Wallis. Bientôt aussi son professeur, le docteur Barrow, lui apprit, dans un examen à connaître et à admirer Euclide. Ce changement d’opinion fut si radical, qu’un des amis de son âge mûr a raconté et que tous les biographes ont répété que Newton souriait rarement, mais qu’il n’avait ri aux éclats qu’une seule fois, en entendant quelqu’un demander : « A quoi peut servir Euclide ? » Après cet examen, qui lui ouvrit les yeux et qui se place vers 1664, il eut le grade de bachelier ès-arts. Jusque-là, il n’était encore qu’étudiant, et c’était l’usage à Cambridge que les nouveaux élèves, tout en se préparant à l’examen, fussent employés dans le collège même à des travaux manuels. Newton l’avait pris part comme tous les jeunes gens de son âge. Dès-lors il fut plus libre de travailler suivant ses goûts. Les résultats ne se firent pas attendre, et dès 1664 il fit une découverte mathématique importante. Peu après, car toutes ses découvertes ont un caractère de simultanéité remarquable, et elles se pressent dans les années de sa jeunesse, peu après, dis-je, en 1665, la peste ayant envahi Cambridge, les élèves étaient licenciés ; Newton, réfugié à Woolsthorpe et couché sous un arbre, songeait un jour aux causes des mouvemens des astres et à celles de la pesanteur. Une pomme tomba sur lui. Il était alors, paraît-il, moins philosophe que le paysan de La Fontaine, et au lieu de se plaindre du poids ou de se féliciter de la légèreté du fruit ; il réfléchit que, quelle que fût la hauteur de l’arbre, la pomme tomberait toujours, et qu’en supposant un pommier dont les branches s’élèveraient jusqu’à la lune, ses fruits seraient encore attirés vers le sol, que cette force qui attirait les pierres, les fruits, etc., vers la terre, pouvait donc être la même que celle qui retenait la lune dans son orbite et l’empêchait de s’échapper par la tangente, comme une pierre s’échappe d’une fronde. Tous les phénomènes de gravité pouvaient donc être des phénomènes d’attraction