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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/538

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de même qu’un corps dur produit sur nos doigts la sensation de la dureté, ou chaud, celle de la chaleur. On n’évitait pas pourtant une réflexion, embarrassante : dans l’obscurité, nos yeux ne distinguent pas les couleurs. Pourquoi cela ? S’ils envoient à la rétine quelque chose de rouge ou de bleu, pourquoi ne l’enverraient-ils pas aussi bien la nuit que le jour ? Et cependant, tandis que la lumière du soleil leur donne un admirable éclat et des teintes variées, dans l’obscurité ils sont tous noirs ou gris. La lumière est donc nécessaire pour que nos yeux soient affectés par les couleurs, et Newton, après avoir découvert qu’un rayon blanc, tel qu’il vient du ciel, est composé de rayons colorés que la réfraction peut disjoindre, fut conduit à penser que la réflexion pouvait agir d’une façon analogue et de composer la lumière. Il pensa, et cette conclusion toute simple est une admirable découverte, que tout corps éclairé ne renvoie pas, ne réfléchit pas toujours tous les rayons qu’il a reçus. Les feuilles des arbres décomposent la lumière, absorbent la plupart des rayons, et ne renvoient que les rayons verts ; le minium ne laisse dégager de sa surface que les rayons rouges, mais le minium et les feuilles ne sont eux-mêmes ni rouges ni verts. Un corps n’est coloré qu’autant qu’il est éclairé et qu’il peut décomposer la lumière qu’il reçoit. Ce n’est pas seulement parce que nous ne voyons pas clair que nous ne pouvons distinguer dans l’obscurité, les couleurs des corps ; dans l’obscurité, la couleur n’existe pas. Une substance peut être lumineuse comme le soleil et la flamme, mais une substance n’est jamais colorée par elle-même. Ses couleurs n’apparaissent que lorsque des rayons de lumière tombent sur sa surface, sont décomposés et en partie absorbés, en partie réfléchis. En entrant avec une lampe dans un lieu obscur, on ne montre pas seulement les couleurs des corps, on les fait naître, et le soleil, en apparaissant à l’horizon, ne nous fait pas seulement voir les couleurs des moissons et des arbres, il les crée. Cela est si vrai, qu’une substance, éclairée par certains rayons de la lumière blanche décomposée, n’aura jamais que la couleur de ses rayons, et perdra celle que lui donnait la lumière blanche. En un mot, et c’est ce qu’une multitude d’expériences démontrent, la couleur n’est pas un accident, une propriété des corps, elle n’existe que dans la lumière même, et dépend de la texture de la substance qui réfléchit les rayons. On n’a pas encore découvert que telle ou telle texture réponde à telle ou telle couleur, mais sans doute l’arrangement des atomes n’y est pas étranger.

Telle est la découverte fondamentale de Newton sur la lumière. Il a vu que toute coloration est produite par une décomposition de la lumière blanche. Cette décomposition peut s’effectuer soit par réfraction comme dans le cas du prisme, soit par réflexion comme dans