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démocrates, il prit ses ministres en nombre égal dans les deux fractions qui s’étaient fait une guerre acharnée jusqu’au jour de l’élection, et qui ne lui avaient donné leur voix que pour éviter de transiger avec leurs rivaux. On vit donc entrer à la fois dans le ministère des démocrates du nord en communauté d’opinion avec les free-soilers, et des démocrates qui avaient épousé toutes les passions et toutes les vues ambitieuses du sud, d’un côté M. Marcy, M. M’Clelland, M. Caleb Cushing, de l’autre M. Jefferson, Davis, M. Dudley Mann, M. Dobbin. La division éclata dès le premier jour au sein du cabinet : le président, indécis et incapable de volonté, uniquement préoccupé de ne pas perdre sa popularité personnelle, et suivant avec anxiété les moindres variations de l’opinion, oscillait sans cesse d’un parti à l’autre, sans donner ou du moins sans laisser jamais l’avantage à aucun des deux. Cette conduite, en faisant naître chez tous les hommes un peu considérables du parti démocratique la tentation et l’espoir de prendre une influence prépondérante, eut pour premier résultat de jeter la désunion dans ce parti, qui, au lieu de donner au gouvernement un appui résolu, se divisa en cinq ou six fractions, dévouées avant tout aux prétentions et aux intérêts de leurs chefs. Elle créa en outre à M. Pierce les embarras les plus sérieux. Convaincus qu’il était impossible de faire adopter une politique par le président, et surtout de la lui faire pratiquer, les chefs des divers départemens ministériels et tous les fonctionnaires d’un rang élevé se chargèrent d’avoir une volonté pour lui. Chacun tira à soi une partie du pouvoir et se lança dans les aventures, persuadé qu’il lui suffirait de réussir ou d’obtenir l’approbation populaire pour voir ses actes ratifiés par le chef du gouvernement. Des membres du cabinet se prononcèrent ouvertement pour l’acquisition de Cuba par les négociations ou par la force, et donnèrent une approbation publique aux projets d’envahissement des flibustiers. Le ministre américain au Mexique, M. Gadsden, faillit, de son autorité privée, déclarer la guerre à la confédération mexicaine au sujet de la vallée de Messilla, dont il fit prendre possession, et pour laquelle on finit par accorder une indemnité. M. Wheeler, ministre plénipotentiaire dans l’Amérique centrale, prit sur lui de reconnaître le fantôme de gouvernement improvisé dans le Nicaragua par l’aventurier Walker. Enfin le sous-secrétaire d’état des affaires étrangères, M. Dudley Mann, se mit en opposition ouverte avec son chef immédiat. D’accord avec lui, trois diplomates, les ministres près les cours d’Angleterre, de France et d’Espagne, MM. Buchanan, Mason et Soulé, se réunirent en conférence, et arrêtèrent la ligne de conduite que les États-Unis devaient suivre dans la politique extérieure. Cette abdication complète par le président du pouvoir que la constitution mettait entre ses mains fut un encouragement pour les partisans de l’esclavage, et ceux-ci, après