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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/85

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monde s’y décidait réellement. Agrippa eut soin de les appeler Julia pour complaire à Auguste. Plus tard, lorsque le progrès du despotisme les eut rendus tout à fait inutiles, les Septa servirent pour des jeux. En songeant combien les élections étaient peu sérieuses sous Auguste, on ne peut trouver que, depuis Agrippa, ce bâtiment ait beaucoup changé de destination.

Agrippa commença et Auguste acheva la construction du Diribitorium; on nommait ainsi le lieu où la paie était donnée aux soldats. C’était un édifice très considérable, le plus vaste qui fût couvert d’un toit, si bien que, le toit ayant été détruit, on ne put le rétablir. Chacun conçoit que sous les empereurs la paie des soldats était une grande affaire et méritait qu’un vaste édifice lui fût consacré. Là était l’essence du gouvernement impérial, et non dans le simulacre d’élections qui avait encore lieu dans les Septa. Ceux-ci étaient un vieux monument républicain que l’on replâtrait par hypocrisie. Le Diribitorium au contraire était un monument impérial par excellence. Par ces constructions et ces embellissemens. Agrippa savait bien qu’il faisait sa cour à Auguste, car Auguste aimait que l’on bâtit, comme il bâtissait lui-même. C’est pour obéir à ses exhortations que Statilius Taurus éleva le premier amphithéâtre en pierre qu’eussent vu les Romains, modeste précurseur du gigantesque Colysée, et dont l’emplacement est indiqué par une butte formée de ses décombres; Philippus, le temple d’Hercule Musagète, c’est-à-dire qui conduit les Muses (en effet les Muses suivaient la Force); Asinius Pollion, l’atrium de la Liberté; — il prenait bien son temps pour consacrer un édifice à la Liberté ! mais Auguste lui en avait donné l’exemple; — Balbus, le théâtre qui porta son nom; enfin Agrippa, de nombreux édifices.

Le souvenir d’Agrippa est attaché au Panthéon, ce temple admirable que le christianisme a sauvé en le convertissant en église. Jamais il ne fut dédié, comme on le répète toujours, à tous les dieux. Le Panthéon s’appela ainsi, selon Dion Cassius, soit parce qu’il renfermait les statues de Jupiter, de Mars et de plusieurs autres divinités, soit parce que sa voûte imitait la forme du ciel. De même l’architecte qui construisit Sainte-Sophie devait s’écrier un jour : « Il faut que cette église, consacrée à la sagesse éternelle, ressemble au ciel, où elle réside. » Quoi qu’il en soit, ce monument est un magnifique exemple de la servilité d’Agrippa; il y avait placé les statues de César et d’Auguste, et en avait d’abord voulu faire un temple consacré à ces deux hommes, dont l’adulation officielle avait fait deux divinités. Auguste, qui plusieurs fois refusa les honneurs divins, ne pouvait consentir à ce que voulait Agrippa; c’eût été sortir de son rôle de réserve prudente et de modestie affectée. Sans ac-