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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/91

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l’heure, que, toujours sur ce point d’accord avec moi-même, je quitte à regret la campagne toutes les fois que d’ennuyeuses affaires m’appellent à Rome. » C’est donc à la campagne qu’il faut l’aller chercher, car ce sont les souvenirs et les scènes champêtres qu’il s’est complu à retracer. Celui qui se borne à désigner sans les décrire les différens quartiers de Rome trouve des expressions brièvement, mais vivement pittoresques, quand il s’agit des ombrages de Tibur ou de son habitation de la Sabine.

Je ne saurais mieux indiquer au lecteur comment s’y prend Horace pour donner une idée vraie des lieux qu’en citant quelques lignes de M. Patin, son savant et ingénieux interprète. « Ce n’est pas qu’Horace soit descriptif à la manière des modernes, jamais il ne décrit pour décrire; il n’est jamais long, il s’en faut de tout, ni minutieux dans ses descriptions. Le plus souvent une épithète caractéristique, d’autres fois un petit nombre de circonstances, choisies parmi les plus frappantes, rangées dans l’ordre qui les découvre à une observation rapide, groupées de telle sorte qu’elles révèlent l’idée de l’ensemble, et que le tableau largement ébauché par le poète s’achève dans l’esprit du lecteur, voilà la vraie, la grande description de Virgile et d’Horace. Cette description est chez Horace toute passionnée, animée par un sentiment vrai des scènes qu’elle reproduit, par l’amour de quelques lieux préférés, par le goût de la nature champêtre et de la vie rustique. »

Que de vers charmans dans Horace consacrés à peindre ce Tibur tant aimé, ce délicieux Tivoli dont il est si doux de goûter après lui, je dirai presque avec lui, les impérissables enchantemens ! Comment ne pas y murmurer cette ode ravissante dans laquelle, après avoir énuméré les beaux lieux qu’il avait admirés dans son voyage de Grèce, revenant à son cher Tibur, il s’écrie, comme d’autres pourraient le faire : « Rien ne m’a frappé autant que le temple retentissant d’Albunea[1], l’Anio qui tombe, le bois sacré de Tiburnus et les vergers qu’arrosent les eaux vagabondes! »

Quam domus Albuneæ resonantis,
Et præceps Anio, ac Tiburni lucus et uda
Mobilibus pomaria rivis.


Est-il rien de plus gracieux, de plus sonore et de plus frais? Malheureusement il ne reste d’Horace à Tivoli que les cascatelles, dont le murmure semble un écho de ses vers. Les ruines qu’on montre au voyageur comme celles de la maison d’Horace ne lui ont jamais appartenu, bien que déjà du temps de Suétone à Tibur on fît voir aux curieux la maison du poète.

  1. De la sibylle de Tivoli, dont on croit reconnaître, hélas ! peut-être à tort, le temple élégant suspendu au-dessus d’un gouffre de verdure, d’ondes et de bruit.