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d’Afrique, c’est à elle-même et à elle seule que l’Angleterre doit s’en prendre. Le fond de tout ceci n’est en réalité qu’une question de réciprocité, et nous sommes convaincu qu’il dépend absolument du gouvernement anglais de mettre fin aux opérations que le nôtre a récemment autorisées, tout en sortant par la bonne porte d’une difficulté diplomatique réelle. Il y a en définitive connexité véritable entre les deux élémens de la question, et cette connexité nous conduit à dire ce qu’est l’immigration indienne, à rechercher si réellement on peut l’interdire à la France.

On appelle coolie dans l’Inde tout homme de labeur, agricole ou domestique. Le coolie ne se distingue point par des formes herculéennes. À le voir à la tâche, on n’est pas émerveillé d’abord de la besogne accomplie ; mais son travail est régulier, persistant, fait avec soin et conscience. Il est comme l’expression de sa nature physique, qui est frôle, mais élégante et nerveuse. L’Indien a un certain sentiment de sa dignité, qu’il exprime naïvement en comparant à la chevelure laineuse, au nez épaté du noir ses cheveux soyeux et son nez aquilin. L’Inde est immense, et ses races multiples. Il ne faut pas juger le paisible Malabar, allant chercher au dehors les moyens de ne pas mourir de faim, sur le portrait que là correspondance des officiers anglais trace des redoutables insurgés qu’ils ont initiés au métier des armes. Intelligent, docile, confiant, extrêmement sensible aux bons procédés, l’injustice seule le révolte et l’aliène. Le coolie s’assied dans la société coloniale avec l’impassibilité du brahme. Il conserve ses habitudes, ses mœurs, sa religion ; il ne se mêle en rien au mouvement et aux passions des populations qui l’entourent. Étranger il se sent, étranger il resté. Le paria qui a fui son pays devant l’opprobre se montre reconnaissant de l’asile qui lui a été ouvert, et le témoigne d’une façon significative par sa docilité et son bon esprit. Tout cela dit assez que l’Indien n’est point un sauvage, un être assimilable aux noirs de traite, comme on l’a parfois trop légèrement affirmé. Faut-il dû moins ne voir en lui qu’un enfant n’ayant pas suffisante conscience de son acte, lorsqu’il se décide à s’embarquer pour chercher du travail aux colonies françaises ? — Non, assurément ; mais comme l’Indien se trouve dans Un réel état d’infériorité intellectuelle vis-à-vis de ceux qui le sollicitent à l’expatriation, l’autorité publique internent pour suppléer à ce qui lui manque de ce côté et rétablir en quelque sorte l’équilibre. On ne saurait imaginer toutes les formalités tutélaires qui entourent le coolie tant à son départ de l’Inde que lors de son arrivée aux colonies. Conduit par le mestri ou recruteur à un agent administratif préposé ad hoc, il reçoit communication du contrat auquel il va se soumettre. Ce contrat, qui porte un