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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/115

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toujours un peu fastueuse, du créole. Eh bien ! aujourd’hui encore, malgré la grande liquidation, la grande rénovation de ces dernières années, il y a comparativement plus de colons que de métropolitains en possession de domaines héréditaires. De nos jours, alors que semble passé le temps des grandes fortunes réalisées aux colonies, l’accession à la propriété du sol y devient de plus en plus le but auquel tendent les capitaux acquis, rendus désormais trop modestes pour songer à l’expatriation. Qu’importe après cela que les capitaux ainsi engagés cherchent à engendrer des capitaux nouveaux au lieu de se contenter de produire un intérêt très modéré ? On peut contester que cette tendance des capitaux soit générale ; mais, la prenant pour telle, nous dirons que, si au point de vue spécial du fonctionnement du crédit foncier elle constitue les colonies en état de désavantage relativement à la métropole, elle ne porte aucune atteinte à la constitution de leur propriété foncière en tant que propriété : loin de là, ce nous semble… Heureux en effet, le sol assez bien doué pour produire, sans s’épuiser, des capitaux au lieu d’intérêts modérés ! Heureuse la France, lorsqu’à force d’améliorations, à force d’application intelligente de la mécanique agricole, elle en sera venue à obtenir de ses guérets des produits assez richement rémunérateurs pour y rappeler une partie de ce crédit hypothécaire de 6 milliards qu’elle demande aujourd’hui en vain aux dix mille notaires du pays, comme le constate avec douleur M. le comte de Germiny dans l’un des documens placés sous nos yeux ! C’est d’ailleurs dans le présent, et sans nous préoccuper de l’avenir, une idée d’une justesse contestable que celle qui retire à notre sol tout caractère industriel ou manufacturier pour le vouer, si nous pouvons ainsi parler, à la modestie du revenu. Elle nous paraît en désaccord avec la saine théorie économique aussi bien qu’avec des faits considérables dans la constitution actuelle de notre agriculture. Ainsi les économistes distinguent « le produit du fonds, et le profit de l’industrie du cultivateur ; » ils font remarquer que « si le capital engagé dans l’achat de la terre ne donne en général que 3 pour 100, la solidité du placement expliquant la modicité du revenu, le capital d’exploitation peut produire de 8 à 10 pour 100[1]. » Quant aux faits, ils sont frappans. Sans parler de différentes productions secondaires du sol qui ont le caractère essentiellement industriel, sans invoquer la sucrerie indigène que l’on trouverait peut-être trop exceptionnellement similaire à l’industrie coloniale, nous dirons que l’une des exploitations de la

  1. C’est l’opinion exprimée d’abord par M. Boussingault dans l’enquête du conseil d’état sur le crédit foncier, reprise ensuite et fortifiée par M. Wolowski dans son remarquable travail sur la division du sol qu’a publié la Revue des Deux Mondes du 1er août dernier.