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avait puisés dans le milieu malsain où il aimait à vivre, il se sentait vaincu. Le père Noël était pour lui comme une apparition; il ne pouvait soutenir sa voix ni son regard. Et puis Mlle Irma l’avait quitté la veille! C’était un corps sans âme.

Le vieil organiste eut promptement pris son parti. Il repoussa la porte, et rentrant avec Urbain dans la chambre où se tenait Madeleine : — Demain, dit-il, nous partons pour Blois.

L’émotion fit pâlir Madeleine. Par un mouvement instinctif, elle embrassa Louison qu’elle avait sur les genoux. — Tous? demanda-t-elle avec l’anxiété peinte sur le visage et sans regarder Urbain.

— Oui, tous! répliqua le père Noël.

Et frappant sur la poche profonde de son gilet, qui rendit un son métallique : — J’ai apporté là de quoi suffire au plus pressé... Et quand ce sera fini, on en retrouvera, dit-il.

Au moment de quitter Paris, Madeleine voulut revoir Paul Vilon. Elle lui écrivit deux lignes, et il accourut. La vue des malles et des paquets qui encombraient la chambre lui fit tout comprendre; elle lui raconta ce qui s’était passé, l’arrivée du père Noël, la résolution prise tout à coup et la joie qu’elle en éprouvait. — Mais le père Noël, pourquoi est-il venu? demanda Paul.

— J’étais malade, répondit Madeleine.

— Et je ne le savais pas ! s’écria le jeune homme.

Madeleine lui prit les mains. — Ne m’en veuillez pas, reprit-elle, je souffrais trop... Tenez, de tout Paris, je ne regrette que vous.

— Bien vrai? dit Paul. — Il avait la gorge serrée. — Vous faites bien de partir, reprit-il.

Madeleine était émue. Paul était le seul ami sincère et dévoué qu’elle eût rencontré à Paris. — Vous nous rendrez visite à Blois, dit-elle.

— Pourquoi faire? reprit-il avec brusquerie... Pour vous perdre encore?..

Au même moment, on entendit marcher dans la pièce voisine. — C’est Urbain, dit-elle. Paul se redressa. — Oh! lui, je ne veux pas le voir, reprit-il.

Il sauta sur la main de Madeleine, la pressa sur ses lèvres, et se sauva.


VIII.

Le voyage se fit tristement. Madeleine n’osait se laisser aller à ses impressions; Urbain ne parlait pas. La mère Béru reçut sa fille avec de grands cris et de grandes démonstrations de joie qui attendrirent les voisins. L’arrivée de Madeleine était comme un accident, une distraction dans sa vie un peu monotone. Elle mit donc sa maison