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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/226

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Il est bon que la société universelle règle ses comptes un peu plus souvent que tous les cent ans. L’institution des prix décennaux m’a toujours paru une pensée féconde, propre à éveiller de nobles ambitions et à payer en juste renommée des travaux utiles à tous. Il faut y revenir. Rien au reste n’empêchera que le concours soit universel et que toutes les nations y soient appelées. Il n’y aura plus de frontières pour la pensée. Paris prendra la devise de la Rome moderne : Urbi et orbi. Il dira : « Pour la France et pour le monde entier, aux hommes de génie, le genre humain reconnaissant ! »

Avant d’aller plus loin, je veux répondre à l’inculpation de déprécier la science en la vulgarisant. Copernic disait fièrement : Les mathématiques sont écrites pour les mathématiciens, et il avait raison. M. Arago dans ses cours, où les auditeurs se pressaient par centaines, essayait, avec une grande habileté, de faire comprendre aux esprits les moins préparés comment l’astronomie et l’optique étaient arrivées à leurs brillantes découvertes. Il déployait un art infini et une logique profonde dans cette difficile entreprise. Je n’ai point cette prétention. Ce que j’offre au public, ce sont les résultats de la science, et non point ses procédés les plus ingénieux. Qu’un astronome géographe détermine la position d’une localité, par exemple celle de New-York aux États-Unis ; qu’il nous en fasse connaître la longitude et la latitude, qu’il fixe ainsi la longueur des trajets du Nouveau-Monde à l’ancien au travers de l’Atlantique : le public, les industriels qui veulent connaître ou utiliser les résultats du géographe ont-ils besoin de savoir comment ont été péniblement installés et vérifiés les instrumens astronomiques, par quelles formules on a conclu des observations les angles et les temps qu’on inscrit dans les éphémérides, et si la longitude a été obtenue par les satellites de Jupiter, par des transports de chronomètres, par une éclipse de soleil, par des occultations d’étoiles, par des culminations, ou enfin par des distances lunaires ? J’ai quelquefois fait ce tour de force de conduire de pourquoi en pourquoi certains esprits curieux et surexcités jusqu’aux limites de nos conceptions mathématiques : j’ai toujours observé que ces notions trop difficiles et entrevues à grand’peine ne faisaient que glisser dans la pensée de ceux qui m’avaient forcé à tâcher de les initier à ces conceptions ardues. C’était un éclair qui ne faisait qu’éblouir sans éclairer, et, pour parler moins poétiquement, quand c’étaient des dames qui avaient eu cette belle fantaisie de savoir, la séance se terminait par un complet épuisement de toute aptitude à une attention prolongée, accompagné souvent d’un violent mal de tête.

Il nous reste encore trois années entières de la présente décade, savoir : 1858, 1859 et 1860. Je rappelle que le XIXe siècle a commencé le 1er janvier 1801, inauguré par la découverte de la planète Cérès, qui eut lieu ce jour même à Païenne, et qui honore l’attention vigilante du célèbre astronome Piazzi. Pendant les prochaines années, le ciel sera fort riche en beaux phénomènes, en éclipses, en marées, et en 1861, outre une éclipse totale de soleil, on verra la planète Mercure passer sur le disque de l’astre.

L’année 1857 a continué les années précédentes bien plus qu’elle n’a pris une brillante initiative dans aucun des points de la science. C’est le caractère général de cette année, on peut le dire, au physique et au moral. Les grands phénomènes de la nature et les grandes conceptions de l’esprit humain