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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/228

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sûr de la maîtriser par les formules de la mécanique. Ainsi il est arrivé que la comète de Vico, bien attendue et bien cherchée par un beau ciel, n’a pas reparu. Elle a été sans saucun doute disséminée dans l’espace par l’attraction inégale du soleil sur ses diverses parties. La comète de Biéla a été partagée en deux par suite d’actions du même genre. Le spectacle d’une comète passant devant une très petite étoile, et ne l’affaiblissant pas sensiblement, a été observé cette année plusieurs fois. Tout a confirmé l’idée que les comètes ne sont que des amas de poussière à grains fort écartés, et ne trahissant leur existence que par leur visibilité, visibilité qui, même pour les six comètes de cette année, n’a pu être rendue sensible qu’au moyen du télescope. Comme plusieurs de ces comètes suivaient à peu près la même route dans le ciel, on a parlé de la possibilité que plusieurs provinssent d’une même comète séparée en plusieurs par l’action du soleil. On conçoit que, d’après l’extrême ténuité des élémens dont se composent les comètes et le grand éloignement de leurs diverses particules, joints au peu d’action que ces particules exercent les unes sur les autres, il se peut facilement opérer une séparation de leurs élémens sous l’empire des forces étrangères. Lorsque, sous l’action du soleil et de la lune, nos océans sont soulevés et tourmentés de mille manières par les marées, leurs eaux sont énergiquement retenues par la pesanteur, dont l’action de la lune n’est que la neuf-millionième partie. Tout se borne donc à un petit mouvement d’oscillation. Sous une pareille influence, les diverses parties d’une comète très peu consistante seraient arrachées à l’ensemble, et lancées à part dans les espaces célestes.

On m’a demandé de vive voix et par écrit pourquoi on avait vu tant de comètes en 1857, tandis qu’en 1856 on n’en a pas découvert une seule. La raison est qu’on en a beaucoup cherché. Tous les astronomes voulaient trouver la comète tant attendue pour 1868 d’abord, et recalculée ensuite pour 1858, avec deux ans d’incertitude. On demandait à M. Arago pourquoi on trouve plus de comètes en hiver qu’en été. Il répondit : « C’est que les nuits sont deux fois plus longues en hiver. Elles sont de seize heures, tandis qu’en été elles ne durent que huit heures, et de plus il y a en été plusieurs heures d’un crépuscule qui nuit beaucoup à la découverte d’objets si faibles en éclat. » Tout conspire contre les malheureux observateurs du ciel. Si le ciel est couvert ou même un peu voilé, les objets délicats ne sont plus visibles, et par un beau ciel bien transparent la lumière de la lune, celle des crépuscules et des aurores sont presque aussi nuisibles à la pénétration des instrumens dans l’espace. Herschel n’admettait pendant toute une année que quarante heures de parfait fonctionnement pour ses télescopes. Laplace avait proposé de porter les télescopes dans l’atmosphère légère et pure des hautes montagnes. C’est ce qu’a fait en 1856, au pic de Ténériffe, l’excellent astronome royal d’Ecosse, Piazzi Smyth, fils de l’illustre amiral de ce nom, lequel avec une ardeur supérieure aux atteintes de l’âge continue ses recherches sur les corps célestes dans cet observatoire du château d’Hartwell où la restauration vint chercher Louis XVIII. Ce château appartient actuellement au docteur Lee, qui est lui-même un astronome aussi riche en savoir qu’en propriétés seigneuriales, et qui de plus consacre