Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussi la perspective d’une situation où il pourrait avoir à changer de politique l’a-t-elle particulièrement frappé, dit-on. Au milieu de ces complications, quel est l’homme qui semble encore le plus propre à conduire les affaires du Piémont ? C’est justement le président du conseil actuel. Seul peut-être entre ses collègues, M. de Cavour, avec sa sagacité habituelle, avait instinctivement pressenti ce qui vient d’arriver dans les élections, il en avait parlé plusieurs fois. Tandis que les autres ministres s’endormaient dans la confiance du succès, le président du conseil ne se méprenait pas sur le mouvement qui s’opérait. Que va faire aujourd’hui M. de Cavour ? La conduite du chef du cabinet piémontais est peut-être plus simple qu’on ne le suppose. M. de Cavour, selon toute apparence, restera sur son terrain : il ne soutiendra que les combats qu’on voudra bien lui livrer ; il s’abstiendra probablement de soulever de nouveau les questions religieuses, de jeter entre les partis de nouveaux fermens d’irritation. Il n’entrera pas dans la voie que lui ouvre si complaisamment M. Brofferio ; mais cette modération même ne créera-t-elle pas quelque point de contact entre le ministère, ou du moins une fraction du ministère, et une partie de la droite ? C’est ce qu’on semble déjà pressentir à Turin. Peut-être même ce rapprochement conduirait-il à une modification ministérielle, d’autant plus que l’administration, telle que la pratique M. Ratazzi, est jugée assez sévèrement en Piémont. De prochains débats éclairciront cette situation. Une chose n’est point douteuse, c’est que, par sa position, par l’ascendant qu’il a pris, M. de Cavour semble au-dessus de ces fluctuations passagères. Pour la politique piémontaise qu’il représente, le but reste le même : il consiste à maintenir la cause italienne pure de tout excès, et à préserver le régime libéral tout à la fois des entraînemens révolutionnaires et des réactions intempérantes.

Et pour la France, comment cette année s’est-elle écoulée ? comment finit-elle ? Elle finit comme elle a commencé, dans la paix politique. Des élections ont eu lieu, mais elles n’ont été qu’une émotion passagère. La crise financière, qui a sévi en tant d’autres pays, a passé également sur la France sans l’atteindre aussi gravement. Quant aux travaux de l’esprit, ils se succèdent, et on dirait parfois qu’il y a une sorte de mouvement latent qui cherche à se produire. Viennent donc les œuvres nouvelles avec l’année qui s’ouvre !

S’il n’y avait dans l’histoire que des choses abstraites, des disputes d’idées ou de théories, on n’y trouverait pas un intérêt si attachant et si vif ; mais dans ce passé qu’on remue souvent et que le talent fait revivre, il y a des hommes, des caractères, des passions, tout ce qui laisse voir la libre et permanente activité de l’âme humaine. C’est cette sève de la vie apparaissant sous toutes les formes qui fait de l’histoire un tableau animé et émouvant, même quand l’histoire s’applique à des faits d’un ordre tout spirituel. D’où vient l’intérêt de tout ce qui se rattache à Port-Royal, la célèbre communauté religieuse du XVIIe siècle ? Est-ce des controverses jansénistes et du refus de signer le formulaire ? Non sans doute, on ne se demande point absolument si les cinq propositions sont vraiment dans Jansénius, et on oublie les subtilités des disputes théologiques ; mais Port-Royal vit dans la mémoire des hommes parce que, indépendamment de ses doctrines, il offre au milieu du XVIIe siècle un spectacle particulier de grandeur morale. L’humble maison,