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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/357

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d’un gouvernement plus humain à un régime fondé sur les exactions, le travail forcé, les cruautés de toute espèce, il faisait étudier les ressources et dresser une carte détaillée de la colonie. Cette carte fut l’œuvre de Thomas Horsfield, qui se fraya le premier un chemin à travers les forêts vierges qui couronnent les pitons élevés de Java. Ce travail n’a guère nécessité depuis que des améliorations de détail, qui sont dues au zèle de deux officiers néerlandais, MM. Leclerq et Van de Velde. Quelques observations relatives aux volcans de Java sont disséminées dans les recueils qui se publient à Batavia ou en Hollande ; mais nous n’avons trouvé nulle part sur Java et ses volcans une si grande abondance de renseignemens que dans un ouvrage récent de M. Junghuhn, qui embrasse l’étude complète de la colonie hollandaise.

L’auteur a passé douze années à Java, et en a gravi lui-même presque toutes les cimes avec des instrumens pour en mesurer la hauteur. Il a décrit dans son livre toutes les montagnes volcaniques de l’île, qui sont au nombre de quarante-cinq, recherché avec grand soin tout ce qui est relatif aux éruptions des volcans de Java et réussi à en rendre l’histoire assez complète, en fouillant les documens officiels et en consultant les traditions des natifs. On ne peut malheureusement tirer des Javanais que des renseignemens vagues et peu nombreux sur les volcans de leur île : le souvenir des catastrophes qui l’ont désolée à de si fréquentes reprises s’efface avec une merveilleuse rapidité de leurs esprits oublieux et indolens. Même quand il s’agit des éruptions les plus récentes, leurs récits ne s’accordent jamais parfaitement, et pour donner une idée de leur chronologie, M. Junghuhn cite l’exemple singulier d’un natif qui se croyait âgé de deux cents ans.

Ce n’est pas la paresse seulement, c’est une terreur superstitieuse qui empêche les Javanais mahométans de gravir la cime des volcans : ils n’aiment pas à quitter les régions basses, couvertes de champs de riz, au-dessus desquelles s’élèvent, comme des îles dans la mer, les pitons redoutés. Protégés contre la chaleur accablante des plaines dans leurs villages qui s’abritent sous des bois de cocotiers et de palmiers, ils ne quittent jamais ces oasis de verdure pour aller respirer l’air plus frais des hautes cimes. Aussi les cratères des volcans furent-ils le dernier refuge des sectateurs de Siva, quand les mahométans firent la conquête de l’île vers 1470. On y trouve souvent des ruines d’anciens temples. L’adoration des forces terribles dont les volcans sont le foyer devait naturellement tenir une grande place dans les croyances primitives de ces contrées, et le culte de Siva, la divinité de la destruction, y était dominant. Le volcan Séméru, le plus élevé de l’île, était appelé le Mont-Sacré ;