Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Berlin, qui ont très bien représenté dans cette circonstance le libéral esprit de leur pays. Remercions aussi la Gazette d’Augsbourg ; sa sollicitude a été tardive, mais le jour où elle s’est décidée enfin à prendre la parole, elle l’a fait d’une manière digne d’elle et de l’Allemagne. Au moment où la discussion de la liberté religieuse commençait à Stockholm devant l’assemblée des états, on préparait en Allemagne la célébration de la fête de la réforme, et une souscription venait de s’ouvrir pour élever une statue à Luther sur la place publique de Worms. L’Autriche permettrait-elle cette souscription ? La fête de l’église évangélique pourrait-elle avoir lieu dans les temples de Vienne avec autant de solennité qu’à Berlin ? A vrai dire, les protestans y comptaient peu. La nouvelle de l’autorisation accordée par le gouvernement autrichien se répandit en Allemagne le jour même où l’on apprit que la liberté religieuse avait été repoussée par les états suédois. Quel contraste ! L’Autriche devenue tolérante pour le protestantisme et la Suède impitoyable aux catholiques ! Les journaux racontaient que le 1er novembre la fête de la réforme avait été célébrée dans les églises évangéliques de Vienne avec la plus grande solennité ; qu’une partie du corps diplomatique y assistait ; que le chef du consistoire, M. Gottfried Franz, avait pu y prononcer un discours sur ce texte : la Réforme, œuvre de Dieu ; et ces mêmes journaux apprenaient à l’Europe que le 31 octobre les anciens adversaires de l’Autriche, les anciens défenseurs de la liberté religieuse, les fils des soldats de Gustave-Adolphe, avaient maintenu dans la loi de l’état la confiscation et l’exil pour l’asservissement des consciences ! Une opposition si dramatique devait toucher sans doute le cœur endurci du protestantisme suédois, et la Gazette d’Augsbourg la fit ressortir avec force. Elle évoqua pour ainsi dire les deux adversaires de la guerre de trente ans, Gustave-Adolphe et Ferdinand II, l’un si austère, si pieux, qui se battait si héroïquement pour la défense de la liberté religieuse, l’autre qui voulait étouffer dans le sang le christianisme luthérien, et elle montra combien tout était changé depuis deux siècles. Dans la ville de Ferdinand II, les protestans célébraient la fête de leur église ; dans la ville de Gustave-Adolphe, la noblesse et le clergé luthérien faisaient peser sur les âmes une tyrannie dont le gouvernement napolitain aurait honte. « Et sous quel prince, ajoutait la Gazette d’Augsbourg, sous quel prince ce vote des états suédois venait-il scandaliser l’Europe ? Sous un prince dont le grand-père est issu de ce Béarn qui a donné Henri IV à la France, dont la grand’mère et la mère sont catholiques, dont le père a proposé lui-même aux états cette loi de tolérance, dont la femme enfin est une princesse d’Orange, c’est-à-dire une princesse issue de cette race sous la conduite de laquelle l’Angleterre et les Pays-Bas ont conquis leur liberté civile et religieuse ! »

Je voudrais extraire de ces débats quelques documens caractéristiques ; je voudrais emprunter aux principaux orateurs, surtout aux représentans du clergé, les argumens qu’ils ont mis en œuvre pour repousser la proposition