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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/443

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dernièrs surtout, ayant suivi parallèlement la même carrière, s’étaient imbus des mêmes idées ; ils étaient depuis longtemps convaincus, même avant la guerre, de la nécessité d’une politique nouvelle, de concessions plus larges à faire aux Européens, dont ils avaient pu reconnaître à des signes non équivoques la puissance morale et matérielle. Signataire des traités de Nankin, de Wang-hia et de Whampoa, Ki-yng, « de la maison impériale, vice-gardien de l’héritier apparent, vice-haut chancelier, directeur du bureau de la guerre, membre du censorat, » avait été nommé vice-roi des deux Kwangs ; Hwang-nganton, membre du bureau de la guerre, avait été placé par Ki-yng au gouvernement du Kwang-tong. Les postes éminens qu’occupaient ces deux hommes d’état, la faveur dont ils semblaient jouir, leurs dispositions bien connues, paraissaient un gage de la bonne foi de la cour impériale, et faisaient, aux yeux de tous, retomber sur la population cantonaise la responsabilité tout entière, non-seulement de la violation du traité, mais encore des actes hostiles aux Européens qu’on vient de rappeler. Cependant, si les emplois les plus élevés appartenaient à des hommes de ce caractère, des fonctions moins brillantes peut-être, mais certainement plus importantes, avaient été confiées à des magistrats qu’animaient des dispositions tout à fait contraires. Parmi ces hommes qui ne négligeaient rien pour exciter les Chinois contre les barbares du dehors, se trouvait Suh-kwang-tsing, qui devait plus tard remplacer Ki-yng et se montrer le digne successeur des Loo et des Lin. Dans leurs rangs figurait aussi le commissaire impérial Yeh, parvenu si rapidement de cette position médiocre aux grandes charges qu’il occupe aujourd’hui.

Le 5 avril 1847, au moment même où sir John Davis, avec toutes les forces anglaises, se présentait devant Canton pour protéger les factoreries menacées, des placards affichés dans toutes les rues de la ville dénonçaient à la haine publique Ki-yng comme un traître vendu aux barbares, et il est facile de reconnaître, par un curieux passage du Chinese Repository, quel était l’isolement où le laissaient, dans ces graves circonstances, les mandarins placés sous ses ordres : « Ki-yng est dans la plus grande perplexité, il ne peut ni manger ni dormir. Les personnes les mieux placées pour connaître l’état réel des choses pensent qu’il a été abandonné de tout le monde, et que sa conduite trouve une sérieuse opposition chez quelques-uns des plus hauts fonctionnaires de la province. » Les principes de l’administration chinoise font, depuis le dernier des mandarins Jusqu’à l’empereur lui-même, l’opinion publique juge de tous les magistrats de l’empire. La dégradation d’un gouverneur incapable d’apaiser la révolte de sa province se rencontre à chaque instant dans les actes