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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/463

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traditions, entre lentement dans les voies d’une politique nouvelle, et demande même à la civilisation européenne les moyens de maintenir son indépendance[1].

Placée entre ces deux empires, soumise à leur influence, la Corée est peut-être de tous les pays de l’extrême Orient celui auquel l’avenir réserve les plus prochaines révolutions. Sa position géographique semble la désigner comme le centre d’action de l’influence européenne et le gage d’exécution du traité qui terminera la lutte de l’Europe avec le Céleste-Empire. L’étude des conséquences probables et des moyens de cette lutte nous paraît dès lors devoir précéder l’exposé de l’état social d’un pays inconnu pendant longtemps, et qu’une longue croisière, accomplie avec autant d’intrépidité que de persévérance par l’amiral Guérin, noue a permis d’explorer dans toute son étendue.


IV

Le but que poursuivent en Chine les puissances occidentales a été publiquement annoncé. Révision des traités de 1842 et 1843, libre accès dans l’intérieur de l’empire, liberté des transactions commerciales, égalité dans les relations politiques consacrée par le séjour d’un ambassadeur à Pékin, telles sont les concessions que réclament l’Angleterre et la France, telles sont les conditions auxquelles de gré ou de force devra se plier, dans un prochain avenir, la politique chinoise. Ces demandes ont un tel cachet de justice et de modération, qu’il semble que la folie seule puisse y répondre par un refus. Pourtant il est douteux, — si l’on tient compte de l’esprit qui anime les populations de l’empire et les conseillers de l’empereur Yen-foung, — que les difficultés actuelles aient une solution pacifique.

Ki-yng, Muhchangah, Hwang, tous les hommes d’état qui pouvaient faire prévaloir la voix de la modération sont en exil ou dégradés ; les populations du Kwang-tong célèbrent leur triomphe sur les barbares, Yeh et les mandarins de son parti sont plus puissans que jamais. La guerre paraît donc inévitable ; il y a plus, elle est nécessaire pour donner à l’œuvre qu’on veut réaliser des bases sérieuses et durables. Dans quelles conditions doit-elle s’accomplir ?

Les partisans nombreux d’un démembrement de l’empire du

  1. Quarante mille fusils à piston, sur le modèle des fusils anglais, ont été construits dans les manufactures de Miakao et d’Oosaka. Des officiers étudient, à bord des deux steamers dont le roi de Hollande a fait présent au siogoun, les principes de la navigation européenne, et enfin nous avons rencontré à Singapore le yacht Emperor, destiné à l’empereur du Japon par la reine Victoria. C’est un bâtiment à hélice, et que doivent aussi manœuvrer des officiers études matelots japonais.