Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTERAIRE


Lettres de Pesth sur la Littérature, l’Art, le Théâtre et la vie de Société, par M. Demeter Dudumi.

Depuis quelques années, la plupart des villes de l’Europe se sont transformées. On cherche dans Edimbourg l’ancienne ville décrite par le romancier ; il faut sortir de Munich pour trouver la ville de palais et de monumens du roi Louis ; on rebâtit Paris, L’ancienne capitale de la Hongrie n’a pas voulu rester en arrière. « Si l’un des habitans de Pesth morts il y a vingt-cinq ans, dit M. Demeter Dudumi, pouvait sortir de sa tombe, il regarderait avec des yeux bien étonnés les admirables embellissemens de sa ville. » Dans ses Lettres sur Pesth[1], M. Demeter Dudumi raconte rapidement ces divers travaux, qui datent tous de ces dernières années. La plupart sont dus à des Anglais. Le pont suspendu qui réunit aujourd’hui en une seule les deux villes de Pesth et d’Ofen (ou Bude) est l’ouvrage de M. Adam Clark, ainsi que le beau tunnel pratiqué presque vis-à-vis, sous la citadelle d’Ofen, et que, sauf l’élévation et la longueur, on pourrait comparer à la voie souterraine par laquelle passe l’une des routes de Naples à Pouzzoles, et connue sous le nom de grotte du Pausilippe. Le quai d’Alt-Ofen s’est appelé quelque temps la colonie anglaise, et l’un des plus beaux cafés de Pesth est le café Victoria.

Par le chemin de fer, Pesth n’est plus qu’à quelques heures de Vienne. Il n’y a que les touristes qui vont encore d’une ville à l’autre par le bateau à vapeur, pour visiter les bords du Danube. M. Demeter Dudumi a suivi cette voie : nous ne l’y accompagnerons pas, de peur d’être importuné comme lui par un cicérone trop savant qui nous nommerait tous les châteaux et toutes les ruines. Nous citerons seulement la légende populaire qui donne au nom de Komorn cette fière étymologie : « Komm morgen (viens demain), » répondit le défenseur de la place à l’ennemi qui lui parlait de se rendre.

Le principal objet des Lettres de M. Demeter Dudumi, c’est la littérature, l’art, le théâtre et la vie de société dans la ville de Pesth. La Hongrie a une littérature comme elle a une langue nationale. Forte et énergique, dominée par l’esprit militaire du peuple, cette littérature a eu surtout pour monumens des épopées et des odes ou chants patriotiques. Après de longues années d’engourdissement, une véritable renaissance littéraire s’est déclarée à la fin du règne de Joseph II. Les diètes décrétèrent que la langue hongroise serait enseignée dans toutes les écoles ; on répandit les livres hongrois, on publia des journaux hongrois, et on institua des prix de poésie et de littérature. À la fin du XVIIe siècle, il y avait trois écoles de poésie en Hongrie. Elles eurent à lutter contre l’école française et contre l’école latine. Dans

  1. Pester Briefe ueber Literatur, Kunst, Theater und Gesellschaftliches Leben, von Demeter Dudumi, Pesth 1856.