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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/499

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Hongrie a joint à tous les honneurs qu’elle lui avait rendus pendant sa vie une souscription nationale de 60,000 florins en faveur de ses fils.

Le musée national, beau monument avec un péristyle soutenu par huit colonnes corinthiennes, entre lesquelles se trouvent les statues de la Pannonie, du Danube, de la Theiss et autres figures allégoriques, renferme plusieurs collections importantes, entre autres celle des manuscrits, au nombre de plus de deux mille, celles des bois, des minéraux, des monnaies et des objets d’antiquité. Les tableaux sont en petit nombre. Pour la musique hongroise, elle semble avoir fait peu de progrès depuis les chants patriotiques, dont elle formait l’accompagnement. Elle conserve toujours le pouvoir d’exalter les âmes par le prestige des vieux souvenirs, mais l’art a peu ajouté à sa simplicité primitive.

Qu’on nous permette d’entrer avec l’auteur hongrois dans quelques détails qu’il ne faudrait pas se hâter de rejeter comme superficiels : il s’agit de la vie magyare étudiée dans ses distractions de chaque jour. Les concerts sont rares, à Pesth. M. Demeter Dudumi nous apprend que pendant le carême, malgré l’exemple général que donnent les autres pays de l’Europe, il n’y a qu’un petit nombre de réunions musicales. Les hommes se réunissent plutôt au cercle ou dans les cafés. « Le nombre multiplié des cafés et des bains chauds pourrait servir à indiquer l’origine asiatique du peuple hongrois. » Depuis les derniers événemens, les cafés de Pesth ont perdu leur ancienne physionomie ; le Café des Échecs, où Szen battit deux fois les célèbres joueurs Loewenthal et Grimm, le café de Zrinyi, illustré sur la scène par Szigligeti, et celui d’Herrengasse, où se réunissaient les étudians, ont fait place à des cafés modernes et splendides, tels que ceux de la Reine Victoria, de l’Hôtel de l’Europe et de la Promenade, où l’on ne retrouve plus aucune tradition politique.

La presse allemande ou hongroise est représentée à Pesth par de nombreux organes. La première feuille politique publiée en allemand fut le Pest-Ofener-Zeitung, qui commença à paraître dans cette ville en 1845 ; le Pester Llyod parut ensuite : organe du commerce, il est celui qui a le plus d’abonnés. Depuis 1855, il paraît à Pesth une nouvelle feuille politique, l’Ungarische-Post. Il faut y joindre une petite feuille, le Localblatt, et deux revues, le Sonntags-Zeitung et le Pester-Sonntags-Blatt. Tous ces écrits sont en allemand ; il n’y a que deux feuilles rédigées en hongrois, ce sont le Buda-Pesti-Harlap et le Pesti-Naplo. M. Demeter Dudumi s’arrête plutôt sur le caractère littéraire que sur le caractère politique de ces diverses publications. Il cite seulement de Paul Gyulai un morceau de critique intéressant sur une maladie morale et littéraire qui, après avoir fait le tour de l’Europe, semble menacer la jeune Hongrie : la mélancolie ou le pessimisme, ce que les Allemands appellent Weltschmerz, « une douleur que tout le monde semble nourrir. » Ce morceau témoigne d’une critique forte et saine.

La vie de société semble assez imparfaite dans la capitale hongroise. Il y manque, comme dans beaucoup de pays aujourd’hui, l’influence salutaire des femmes. Faute de cette direction, les jeunes gens n’y apportent pas assez de politesse ni d’élégance. Le monde est d’ailleurs divisé en deux classes par la langue. Les artistes et les écrivains vivent entre eux. Les savans allemands