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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/644

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maladive du mineur. Dans son intéressant Dictionnaire d’hygiène et de salubrité, le docteur A. Tardieu regarde l’anémie des mineurs comme constituant, par l’ensemble des symptômes ordinaires, une véritable affection scorbutique. L’anémie et l’asthme, conséquences immédiates de l’air vicié qui se respire trop fréquemment dans les mines, ne sont pas les seules maladies auxquelles les ouvriers soient sujets ; ils sont particulièrement atteints d’affections rhumatismales, de maladies scrofuleuses, de phthisie pulmonaire, de maladies de l’épine dorsale, contractées durant le travail fatigant qui leur est échu en partage. On sait d’ailleurs que l’industrie minérale est au nombre des industries dont les ouvriers travaillent indistinctement le jour et la nuit. Quelquefois on répartit entre trois postes, de huit heures chacun, les vingt-quatre heures de la journée de travail ; autrement on divise celle-ci en deux parties égales, et la série diurne alterne avec la série nocturne par huitaine ou par quinzaine.

La population condamnée à vivre dans des conditions aussi défavorables compte dans les trois pays que nous considérons, et pour la seule industrie houillère, plus de 300,000 individus. Sur ce nombre, 220,000, dont 2,642 femmes employées, bien entendu, à l’extérieur, appartiennent à l’Angleterre, 48,000 au moins à la Belgique, et 40,000 à la France. On trouve quelques chiffres, particuliers à la vérité au pays de Galles, mais de nature à préciser les causes de lente détérioration à laquelle est soumise la population des mines, dans un mémoire sur les maladies des mineurs fait, en 1855, par M. Herbert Mackworth, un des inspecteurs des houillères de l’Angleterre. Ce fonctionnaire estime que la mortalité des mineurs de 10 à 25 ans est triple de celle assignée en général par la statistique aux individus du même âge, et que la proportion était encore plus déplorable autrefois pour les enfans de moins de dix ans ; il ajoute qu’à Merthyr, où le choléra a sévi avec violence, l’épidémie a fait trois fois moins de ravages que les maladies propres aux mineurs parmi les ouvriers des houillères de la contrée, et qu’enfin, pour les mineurs âgés de 15 à 25 ans, le tiers des morts est dû aux maladies des organes respiratoires. D’autre part, M. A. Tardieu assure qu’entre 30 et 40 ans une vieillesse prématurée apparaît chez les ouvriers souterrains, et que ceux-ci dépassent rarement la cinquantaine. On comprend alors pourquoi, parmi les hommes employés dans les houillères anglaises, le nombre de ceux qui sont âgés de moins de 20 ans est supérieur de 15,000 environ au nombre de ceux qui dépassent la vingtième année.

La profession du mineur houiller n’est pas seulement pénible et malsaine, elle est encore excessivement périlleuse en raison des difficultés en quelque sorte inhérentes à l’exploitation de cette branche de la propriété souterraine. En 1855, 956 ouvriers ont péri de