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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/737

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Se inclinassi a prender moglio,


que Galli et Bordogni disaient d’une manière si ravissante, tandis que MM. Bellart et Rossi en font une charge digne des tréteaux ; — le duo si comique et si musical à la fois entre Taddea et Isabella,

Al caprici della sorte,


que Mme Alboni et M. Zucchini rendent avec un brio plein de charme ? Quant au finale du premier acte, c’est un de ces chefs-d’œuvre de gaieté et de bouffonnerie incomparable, qui ne peut être conçu que par un compositeur italien Donnez aux plus grands musiciens du monde ce thème si simple,

Va sossopra il mio cervello,


et il leur sera impossible d’en faire jaillir il capo d’opéra que Rossini a bâti sur ces paroles insignifiantes. Voilà le triomphe de l’art musical appliqué au théâtre. Il lui suffit d’un simple canevas littéraire pour enfanter des merveilles, tandis que les compositeurs médiocres s’en prennent toujours à l’auteur du poème de l’impuissance de leur génie. Le finale du premier acte de l’Italiana laisse pressentir celui du Barbier de Séville, que Rossini écrira trois ans après, en 1816. Les géans vont vite. L’air de Taddeo,

Ho un gran poso sulla testa ;


le quatuor de l’éternument et le trio si connu, de Papataci, sans oublier l’air que chante Isabella, sont des morceaux de premier, ordre qui remplissent le second acte de cet opéra délicieux, qu’un Allemand n’aurait jamais pu écrire, fût-il Mozart. Il n’y a que les Italiens qui sachent rire en musique, les Français ne peuvent que sourire.

Puisque nous parlons de sourire, disons un mot de la reprise de Fra Diavolo, qui a eu lieu le 4 janvier au théâtre de l’Opéra-Comique. Ce charmant ouvrage de M. Auber, qui en a tant commis de semblables et de plus jolis encore, a déjà vingt-sept ans d’existence. Il fut donné pour la première fois dans le mois de janvier 1830. La révolution de juillet en troubla le succès qui fut grand et qui n’a pas cessé de se reproduire depuis lors. Le principal rôle fut écrit pour Chollet, qui, sans être un chanteur d’un goût bien sûr, avait de l’entrain et une individualité piquante. Fra Diavolo a été traduit en italien et représenté, au théâtre du Lycaeum de Londres. M. Auber y ajouta des récitatifs, et un trio pour voix d’hommes qu’il emprunta à sa partition des Chaperons Blancs. La musique de Fra Diavolo n’a rien perdu de sa grâce spirituelle et facile, et si M. Barbot avait une meilleure voix, ce n’est pas le talent qui lui manquerait pour rendre les parties difficiles du rôle principal, dont Il est chargé. Fra Diavolo fait pressentir un bandit bien autrement, audacieux et poétique qui viendra, en 1831, émerveiller le public parisien : nous avons nommé Zampa. Quoi qu’il en soit, la reprise de Fra Diavolo a été accueillie avec faveur par le public, que les compositeurs du jour laissent mourir d’inanition musicale. Le petit acte qu’on vient de donner tout récemment à ce même théâtre de l’Opéra-Comique, les Désespérés, est des plus insignifians en effet. La musique de cette bouffonnerie est de