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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/823

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efficace à l’intrusion lente et silencieuse du commerce, de la civilisation et du sang teutoniques. La race saxonne (c’est un de ses caractères) se montre douée d’une force d’expansion peu commune, et partout où elle s’étend, elle frappe de son cachet les populations soumises. Nous pouvons en définitive considérer la population anglaise comme le produit d’un mélange celto-saxon, mais dans lequel les traits de la race saxonne prédominent. Le langage, le gouvernement, les lois de la Grande-Bretagne, tout révèle une origine gothique. Les anciens Saxons ne revivent pas seulement dans les annales de l’Angleterre, mais aussi dans les institutions et dans le caractère national. Plus de treize siècles ont roulé sur leurs ossemens le flot des événemens politiques, ont agité les tempêtes et les vicissitudes de l’histoire ; mais au milieu de tout cela leur influence est restée debout. Eux seuls sont les vrais ancêtres de la nation anglaise ; les Celtes n’en ont été que les précurseurs.

La langue est aussi un monument : or un très petit nombre de mots celtiques a pris racine dans la langue anglaise. Ce magnifique idiome, qui a servi d’instrument au génie de Milton et à celui de Shakspeare, a été créé par un mélange du saxon avec le roman ou avec le latin corrompu du moyen âge. L’immolation du dialecte celtique exprime sans contredit une loi de la nature, qui veut que les races plus faibles se sacrifient au développement des races plus fortes. Il ne faudrait pourtant point exagérer la signification du fait ; nous devons tenir compte du dédain des conquérans pour les mœurs, les institutions et la langue des vaincus. Il arrive le plus souvent alors dans le mariage des deux races ce qui advient dans le mariage de l’homme et de la femme, où la femme perd son nom sans abdiquer pour cela son influence sur la constitution des enfans. Si les traces du vieux langage celtique ont d’ailleurs à peu près disparu du fond de la langue anglaise, il n’en est pas de même des mots qui servent à désigner les localités. Comme les premiers, détenteurs du sol, les Celtes ont nommé les lieux qu’ils occupaient, et si solidement, que les quatre invasions ultérieures n’ont pu arracher du sol ces bornes de propriété morale. On retrouve dans toutes les parties de l’Angleterre et de l’Ecosse des villages, des rivières, des bois, des champs, des montagnes qui n’ont point perdu leur dénomination bretonne. Les Anglais, en épousant la terre, ont accepté dans la langue le signe de cette union, et les ombres des anciens Celtes doivent tressaillir, si elles entendent chanter aujourd’hui par leurs vaillans successeurs cet hymne national : « Britannia, Britannia, domine les vagues ! Les Bretons ne seront jamais esclaves ! »

Il nous faut maintenant comparer la race éteinte avec la race vivante. Le type saxon s’est répandu sur toute l’Angleterre. Il y a