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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/278

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noblement et s’embrassèrent sans descendre de cheval ; puis, ayant mis pied à terre, ils se rendirent, en se tenant par le bras, sous le pavillon préparé pour leur entrevue. Ils y entrèrent en même temps. Le cardinal Wolsey et l’amiral Bonnivet les y avaient précédés[1].

François Ier exprima tout d’abord à Henri VIII son cordial empressement, et, cédant à la pensée qui ne le quittait pas, il lui offrit son assistance avec l’espoir d’obtenir la sienne. « Cher frère et cousin, lui dit-il, j’ai mis peine à vous voir. Vous méjugez, j’espère, tel que je suis, et prêt à vous faire aide avec les royaumes et seigneuries qui sont sous mon pouvoir[2]. » Henri VIII, éludant de s’engager, se dispensa de secourir François Ier en ne pas acceptant d’être, au besoin, secouru lui-même. Il se borna à lui donner l’assurance de son amitié, qu’il rendit encore conditionnelle. « Je n’ai en vue, lui répondit Henri VIII, ni vos royaume ni vos seigneuries, mais la loyale et constante exécution des promesses comprises dans les traités conclus entre nous. Si vous les observez, jamais mes yeux n’auront vu prince qui ait plus l’affection de mon cœur[3]. » Ils examinèrent alors le traité qui avait été arrêté la veille, et par lequel, conformément à la convention du 4 octobre 1518, le dauphin de France devait épouser la fille unique du roi d’Angleterre, et François Ier devait payer annuellement, aux deux termes de novembre et de mai, la somme de 100,000 francs, équivalant à plus de 2,860,000 francs de notre monnaie, jusqu’à la célébration, encore très éloignée, du mariage. En lisant le préambule du traité, dans lequel, selon l’étiquette diplomatique, le titre de roi de France était ajouté à celui de roi d’Angleterre et d’Irlande, Henri VIII dit avec une délicatesse spirituelle : « Je l’omettrai, puisque vous êtes ici, car je mentirais[4] ; » mais s’il l’omit dans la lecture, il le laissa dans le traité, et un peu plus tard il eut l’ambition de le rendre réel en envahissant la France et en voulant y régner. Après avoir conféré quelque temps, et, suivant l’usage d’alors, pris leur vin ensemble, les deux monarques admirent auprès d’eux les seigneurs de leur cour, qu’ils se présentèrent mutuellement, et qui furent embrassés, ceux de France par le roi d’Angleterre, et ceux d’Angleterre par le roi de France.

Les fêtes comme les rencontres, les festins comme les tournois, furent réglés et se passèrent d’une manière également cérémonieuse,

  1. Montfaucon, t. IV, p. 170-171. — Mémoires de Fleurange, p. 347 et 348 du t. XVI.
  2. Hall, p. 610.
  3. « Sir, said the king of England, neither your realms nor other the places of your power, is the matter of my regard; but the steadfastness and loyal keeping of promise, comprised in charters between you and me. That observed and kept, i never saw prince with my eyes, that might, of my heart, be more loved. » Hall, p. 610.
  4. Mémoires de Fleurange, p. 348 du tome XVI.