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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/289

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d’Albret, qui n’auraient pas osé envahir le Luxembourg et réunir une armée contre la Navarre sans son agrément et son assistance[1]. Il soutint que les traités conclus entre eux étaient par là rompus, et déclara « que, provoqué et assailli, il se défendrait avec l’aide de Dieu et de ses alliés[2]. » Aussitôt il pressa Henri VIII de se joindre à lui contre François Ier, qui s’était rendu l’infracteur de la paix.

Henri VIII n’était pas encore décidé à la guerre. Craignant d’y être entraîné trop vite, si elle se prolongeait et s’étendait, il intervint auprès de François Ier, afin qu’il mît un terme à ces premières hostilités, qui sans cela provoqueraient une lutte générale. Dans ses ménagemens pour le roi d’Angleterre et avec le désir de conserver son alliance, François Ier ne soutint point Robert de La Marck, qu’il invita à évacuer le Luxembourg[3]. Robert de La Marck obéit; mais cette condescendance ne servit de rien. Le comte de Nassau et Franz de Sickingen entrèrent dans le duché de Rouillon et la seigneurie de Sedan. Ils prirent et rasèrent le château de Loignes, se rendirent maîtres de la place de Florenville, assiégèrent Messencourt, qui se rendit à eux après six semaines et qu’ils brûlèrent ou abattirent, pénétrèrent dans Fleurange, que leur livra la lâche trahison des lansquenets qui en avaient la garde, et surprirent Bouillon. Sauf les places ravitaillées et imprenables de Jamets et de Sedan, ils occupèrent tout le pays de Robert de La Marck et le saccagèrent[4]. Franchissant même la frontière, ils parurent plusieurs lois sur le territoire français, où ils s’emparèrent de Mouzon. D’autres troupes, sous la conduite de chefs flamands, l’envahirent aussi par divers points, enlevèrent Saint-Amand et Mortagne, détruisirent Ardres, tandis que le gouverneur de la province de Flandre, le seigneur de Fiennes, avec huit mille hommes de pied, mille chevaux et six pièces d’artillerie, vint mettre le siège devant Tournai.

La conquête de la Navarre n’eut pas une meilleure issue que l’invasion du Luxembourg; elle fut bien vite compromise par l’inhabileté et l’imprudence de Lesparre. Ayant remis Henri d’Albret en possession de son héritage reconquis, il aurait dû l’y établir fortement à l’aide de sa petite armée victorieuse, et en s’appuyant sur les fidèles souvenirs et l’opiniâtre attachement des Navarrais pour la maison dont les princes les avaient gouvernés si longtemps. Il

  1. Lettre du 14 avril 1521, — François Ier à Barrois, son ambassadeur auprès de Charles-Quint, — dans les Négociations diplomatiques entre la France et l’Autriche durant les trente premières années du seizième siècle, publiées par M. Le Glay, in-4o, 1845. François Ier y répond aux griefs de Charles-Quint, p. 468-469.
  2. Ibid. Paroles mêmes de Charles-Quint rappelées dans la lettre.
  3. Mémoires de Fleurange, t. XVI, p. 361.
  4. Ibid., t. XVI, p. 366 à 380. — Du Bellay, t. XVII, p. 298.