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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/297

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François Ier retint auprès de lui, au corps de bataille. Il le tenait depuis cinq ans dans une défiante disgrâce, et il ne craignit pas de faire alors à ce puissant et orgueilleux seigneur l’impardonnable affront de donner à un autre les fonctions de la grande charge dont il ne lui laissait que le titre. L’arrière-garde fut mise sous les ordres du duc de Vendôme.

Le moment était décisif. François Ier pouvait frapper un grand coup et faire éprouver à l’empereur sous Valenciennes le sort que trois ans et demi plus tard il éprouva lui-même sous Pavie. Il franchit l’Escaut sur un pont jeté au-dessous de Bouchain pour aller le combattre. Charles-Quint envoya, sous le comte de Nassau, douze mille lansquenets et quatre mille chevaux, afin d’empêcher le passage de cette rivière, qui le couvrait contre son ennemi; mais ils arrivèrent trop tard. L’Escaut avait été déjà traversé par l’armée française, qui s’était mise en bataille. Les troupes impériales, n’ayant pas été assez diligentes pour s’opposer à son mouvement, n’étaient pas assez fortes pour résister à son attaque. La victoire était certaine, si la bataille était livrée. Le connétable de Bourbon, qui avait pris une si valeureuse part aux grandes journées de la Gierra-d’Adda et de Marignan, oublia l’offense qu’il venait de recevoir et qu’il avait encore plus ressentie que montrée. Voyant d’un coup d’œil les avantages d’une semblable position et cédant à son instinct guerrier, il proposa de fondre sur les impériaux[1]. C’était aussi le sentiment de deux capitaines fort expérimentés, le maréchal de La Palisse et le sire de La Trémouille; mais François Ier aima mieux suivre les timides conseils du maréchal de Châtillon. Il se contenta de faire fuir ceux qu’il aurait pu détruire[2]. L’armée de Charles-Quint, qui aurait été infailliblement écrasée[3], opéra, sans être inquiétée, sa retraite sur Valenciennes, d’où Charles-Quint lui-même retourna précipitamment à Bruxelles.

François Ier avait laissé échapper une occasion qu’il ne retrouva plus. Malgré cette faute, sa campagne vers le nord restait marquée d’incontestables avantages. Il avait fait lever le siège de Mézières, il avait repris Mouzon, il s’était emparé de Bapaume et de Landrecies, il avait contraint l’armée impériale à se retirer devant lui, et il se rendit maître de Bouchain et de Hesdin, sans toutefois que les

  1. Belcarius, Commentarii rerum Gallicarum, lib. XVI, fol. 488, iu-fol., Lugduni, 1624.
  2. Ibid., Du Bellay, p. 319 à 328. — Pontus Heuterus, rerum Austriacarum libri XV, lib. VIII, ch. 12.
  3. « L’empereur, de ce jour-là, dit Du Bellay, eust perdu honneur et chevance... Dieu nous avoit baillé nos ennemis entre les mains, que nous ne voulûmes accepter; chose qui depuis nous cousta cher, » p. 327.