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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/346

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J’étais sûr qu’il ferait quelque extravagance. Allons, John, êtes-vous prêt ?

— En avant pour la vieille Angleterre ! dit le swedenborgien. Tous deux s’élancèrent au pas de charge, mais Jeremiah, plus leste et plus adroit, sauta le premier par-dessus la barrière, et, sans attendre son compagnon, courut vers la maison. Il arrivait trop tard.

Le bruit du combat avait averti Julia qu’il se passait quelque événement extraordinaire dans la maison. Elle ouvrit la fenêtre, et reconnut Acacia et Jeremiah. Son cœur bondit de joie.

— À moi ! cria-t-elle, à moi ! Paul !

La jeune mulâtresse qu’on avait enlevée avec elle profita du trouble général pour tirer le verrou. Julia ouvrit la porte et se précipita dans l’escalier. À cette vue, Appleton ne fut pas maître de sa rage.

— Craig, dit-il, continue le combat. Je vais remettre en cage ce bel oiseau.

Craig ne l’entendait plus. À la vue de Jeremiah et de l’Anglais, qui accourait aussi, quoique plus lentement, Isaac jugea la partie perdue ; comme il n’était pas homme à s’opiniâtrer hors de propos, il s’échappa par une porte de derrière, monta à cheval, et courut du côté d’Oaksburgh.

Personne ne pensait à le poursuivre. Appleton, s’apercevant de sa fuite, fut saisi de fureur et de désespoir.

— Rends-toi, dit Acacia, je te donne la vie.

Sans répondre, le géant tira son dernier coup de pistolet sur le Français et monta l’escalier. Son mouvement fut si prompt que personne n’eut le temps de le prévenir. Julia fut saisie d’épouvante et voulut fuir, mais il l’atteignit, et la frappa d’un coup de bowie knife dans la poitrine. Elle tomba, baignée dans son sang. Il voulut redoubler, mais Acacia s’élança comme la foudre et le frappa lui-même avec tant de force d’un coup de poignard au cœur que le géant tomba raide mort, sans pousser un cri. Anderson et Lewis arrivaient trop tard.

Acacia se précipita vers le corps inanimé de sa malheureuse amie.

— Julia ! s’écria-t-il, Julia ! au nom du ciel ! réponds-moi !

— Hélas ! dit Anderson, elle est morte.

Il se trompait. Les trois amis la portèrent sur son lit et visitèrent la blessure. Julia ouvrit les yeux et s’évanouit de nouveau.

— La blessure est mortelle, dit l’Anglais, qui se connaissait un peu en chirurgie.

À cette nouvelle, Acacia fut saisi d’un violent désespoir. Il saisit la main de Julia et la baisa avec un tel transport de tendresse et