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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/40

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entreprise dans de semblables conditions. Indiquons donc rapidement, pour mieux faire ressortir les progrès de l’état actuel, ce que pouvaient être en 1757 les principaux élémens d’un voyage de quelque étendue sur mer.

Les cartes hydrographiques, sans lesquelles on ne conçoit guère aujourd’hui de navigation possible, sont relativement d’une origine assez récente dans l’histoire de la marine, et tant que la mission des navires se réduisit à suivre le contour des côtes, on put se contenter des croquis informes et sans proportions dont les manuscrits de nos bibliothèques nous ont conservé de curieux échantillons. Lorsque le progrès des découvertes donna aux traversées un développement inconnu jusque-là, l’on sentit le besoin de figurer plus exactement sur le papier les nouvelles régions parcourues, et, sans entrer dans des détails trop techniques, on conçoit qu’un artifice quelconque fût nécessaire pour représenter sur la surface plane d’une carte une portion considérable de la surface sphérique de notre globe. Un premier essai dans cette voie nous donna les cartes plates que l’on fait remonter à l’infant de Portugal dom Henri, dans le xve siècle. L’honneur de cette initiative revenait en effet au peuple qui inaugura la grande période de découvertes maritimes, mais ce premier résultat était loin d’être satisfaisant : l’impossibilité de rapporter toutes les distances de la carte à une même échelle obligeait à recourir à des tableaux de distances et de routes indiquant la direction à suivre et le chemin à faire pour se rendre de tel point à tel autre ; le plus souvent les longitudes n’étaient pas données par ces cartes, et parfois même les latitudes y étaient inexactement reproduites[1]. Cependant, malgré tous ces inconvéniens, malgré ces erreurs sans nombre, les cartes plates furent longtemps en usage, et même, exemple remarquable de la puissance qu’avait alors la routine nautique, elles servirent encore de longues années après la découverte des cartes réduites qui les ont remplacées, et qui sont aujourd’hui les seules employées. Ainsi ces dernières, connues sous le nom de cartes de Mercator, attribuées aussi à l’Anglais Wright, qui en aurait fait connaître la construction en 1599, étaient encore extrêmement peu répandues à l’époque où nous nous plaçons, tandis que le Pilote anglais, par exemple, ne renfermait guère que de ces cartes plates si inexactes[2], et que la Colonne flamboyante de la Navigation de van Keulen, ouvrage un peu antérieur il est vrai, ne se composait que de ces autres cartes informes, dites par routes et dis-

  1. Cette inexactitude était volontaire, et le motif en est curieux, car c’était pour compenser la variation de l’aiguille aimantée que l’on altérait ainsi les latitudes, ce qui donnait une sorte de carte magnétique singulièrement bizarre et compliquée.
  2. Le célèbre atlas de Daprès de Mannevilette lui-même en renferme encore quelques-unes.