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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/414

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1840, et sur l’appui que la France prêtait alors à Méhémet-Ali ; mais je laisse de côté ces controverses de détail, ne voulant m’attacher qu’au principal et à cet esprit de restauration musulmane qui eut aussi sa part dans le traité de 1840. Je dirai seulement en passant que la Russie, l’Angleterre, l’Autriche et la Prusse, en s’unissant en 1840 contre la France, voulaient l’empêcher de faire prévaloir sa politique en Orient, de même qu’en 1855 la France, l’Angleterre et presque l’Autriche se sont unies contre la Russie pour empêcher la Russie de faire prévaloir sa politique en Orient, et d’y avoir la part du lion. Mgr Mislin dit quelque part que tous les médecins du monde s’empressent de venir au secours des Turcs, « mais que cet empressement n’a pour but que de les empêcher de mourir… dans les bras des autres. » Le mot est juste et piquant. Le traité du 15 juillet 1840 n’a été fait que pour empêcher la Turquie de mourir, sous les coups de l’Égypte, entre les bras de la France. La guerre de 1855 a de même été faite pour empêcher la Turquie de mourir entre les bras de la Russie, avec cette différence pourtant que la France, en 1840, si le malade mourait entre ses bras, ne voulait ni ne pouvait être son héritière, que la politique de la France en Orient est nécessairement désintéressée, tandis que la Russie en 1855, si le malade mourait entre ses bras et par ses coups, voulait et pouvait être son héritière. Quoi qu’il en soit, le traité de 1840 a fait échouer en Orient la solution française, qui eût été au profit de la civilisation chrétienne, qui eût donné à la Grèce l’étendue qu’elle doit avoir, à la Valachie et à la Moldavie l’organisation qu’elles demandent, qui eût fortifié et agrandi la Serbie, qui eût partout créé des obstacles à l’esprit de conquête russe et autrichien, qui eût enfin préparé la régénération de l’Orient par l’Orient lui-même, car c’était là ce que contenait la solution française de 1840. La guerre de 1855 a fait échouer la solution russe, qui eût été l’incorporation de la Turquie à la Russie. Que reste-t-il alors ? Ce que je ne puis pas appeler la solution turque, car comment appeler solution le maintien de la difficulté sous sa forme la plus embarrassante ? Il faut même remarquer que la solution ou la difficulté turque (pour moi, les deux mots se valent) devient chaque jour plus grave avec l’esprit de restauration musulmane que l’Europe encourage ou tolère en Turquie. Pour la Turquie en effet, ce n’est pas assez de vivre ; elle veut se restaurer et se relever ; elle sait que les états stationnaires dépérissent, elle ne veut donc pas rester ce qu’elle est : elle veut redevenir ce qu’elle était, et plus même qu’elle n’était. De là les conquêtes diplomatiques qu’elle entreprend dans les principautés, en Serbie et dans le Monténégro. En même temps qu’elle cherche à s’étendre au dehors, elle cherche à s’accroître aussi au dedans, en