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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/539

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C’est chez les Dacotahs surtout qu’il faut étudier les limites tracées au pouvoir des chefs indiens par la coutume des tribus. Si les chefs des Dacotahs veulent empêcher un malfaiteur de commettre un crime, ils n’ont pas d’autre moyen que de lui payer une somme pour l’en détourner. Ils ne peuvent pas engager la responsabilité de la tribu, et s’ils le faisaient, ils courraient le risque d’être maltraités, blessés et même tués. Ils ne reçoivent aucun traitement, ils ne prélèvent aucun impôt et ne peuvent exiger aucun émolument pour les services qu’ils rendent à des particuliers. Ils ne portent sur leur personne aucune marque distinctive. Ils ne sont pas mieux vêtus que ceux qui n’ont aucun rang. Les Indiens sont naturellement très fiers, et les sentimens d’indépendance et d’égalité sont profondément enracinés dans leurs âmes. Ils ne se résignent que difficilement à la moindre apparence de soumission. Chacun d’eux croit qu’il a plein droit de faire ce qui lui plaît : il se figure que personne ne vaut mieux que lui, et il est toujours prêt à combattre pour soutenir ses prétentions.

En somme, dans leurs différends soit entre eux, soit avec les étrangers, les Dacotahs ne recourent pas volontiers à l’arbitrage de leurs chefs. Un homme, est-il lésé dans ses droits ou dans sa personne, il en appelle à sa massue ou à ses flèches. Un meurtre est-il commis, les parens du mort croient avoir le droit et l’obligation de tuer l’homicide. Cependant l’assemblée publique intervient quelquefois et prononce une espèce de sentence. Quand cette sentence est une condamnation à la peine capitale, on désigne des exécuteurs, et ceux-ci prennent leurs dispositions comme il leur convient. Ils choisissent les armes, le temps, le lieu, le genre de mort.

Une autre famille d’Indiens, les Shoshones, personnifient plus énergiquement peut-être encore que les Dacotahs l’esprit d’indépendance de ces populations nomades. Les Shoshones ont toujours été relégués dans les gorges les plus stériles des Montagnes-Rocheuses. Avant d’avoir des chevaux, ils ne possédaient rien en propre ; n’ayant rien à conserver, ils n’avaient à peu près aucune forme d’organisation sociale. Ils vivaient épars au milieu des déserts, sans mœurs comme sans lois, courant le jour après leur proie et se retirant la nuit au fond des antres. Cependant au printemps, lorsqu’ils voyaient que les saumons, en remontant les cours d’eau, arrivaient jusqu’aux sources des rivières, ils allaient s’établir sur les rives les plus favorables pour la pêche. Là, ils formaient une espèce d’association passagère. Les plus expérimentés dirigeaient les autres et exerçaient une certaine autorité tant que leurs conseils paraissaient utiles ; mais dès que le temps de la pêche était passé, personne n’avait plus de soumission ni d’égards pour eux. Il en était de même dans les grandes parties de chasse.

Depuis l’introduction des chevaux dans cette tribu, les Shoshones qui en possèdent se sont associés pour se protéger mutuellement. Ils se sont constitués à peu près comme les autres tribus, et ils élisent des chefs plus ou moins respectés. Ceux qui n’ont pas de chevaux, et qu’on nomme sioux, en sont d’autant plus misérables. Ne pouvant plus atteindre les bisons et les autres animaux chassés et poussés au loin par les cavaliers, ils sont réduits à se nourrir de racines pendant la plus grande partie de l’année. Exaspérés par les privations et les souffrances, ils ne sont conduits que par l’instinct de