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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/624

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Jules de Médicis, héritier de la renommée comme des projets de Léon X, tout-puissant dans Florence qu’il dirigeait, passait pour avoir préparé dans la politique et dans la guerre les succès dont il n’avait été que l’instrument et le témoin. En apprenant la mort soudaine du souverain pontife, à qui le liait une étroite parenté et qu’il représentait comme légat, il avait licencié les troupes de l’église et en toute hâte il s’était rendu à Rome. Il disposait dans le conclave du parti le plus considérable pour devenir pape ou pour en faire un à son gré. Quinze voix lui étaient entièrement dévouées[1] ; mais il en fallait vingt-six pour être élu, et il avait besoin d’en détacher onze du parti des plus anciens membres du sacré collège que dirigeaient les cardinaux Colonna, de Volterra et Trivulzio. Ceux-ci étaient bien au nombre de vingt-trois ; mais, parmi eux, se trouvaient des cardinaux attachés au parti impérial, comme Colonna, et d’autres enrôlés dans le parti français, comme Trivulzio. Tous repoussaient un Médicis, de peur que la transmission de la papauté ne devînt héréditaire dans la même famille. Beaucoup d’ailleurs, qui détestaient la mémoire de Léon X après avoir détesté son administration, avaient pour le cardinal Jules un éloignement insurmontable. Ils étaient décidés à ne point donner à l’église un chef au-dessous de cinquante ans, et, comme ils étaient presque tous vieux, dix-huit d’entre eux aspiraient à être papes[2]. Cependant aucun ne pouvait l’être sans l’adhésion du cardinal de Médicis, qui leur donnait son exclusion s’il subissait la leur.

Le pénétrant Florentin jugea bien vite qu’il ne parviendrait pas cette fois au souverain pontificat : il abandonna dès lors sa candidature avec cette rapide résolution que les cardinaux ambitieux doivent avoir et savent montrer dans les conclaves ; mais, s’il renonça à être pape, il voulut au moins en faire un. Il proposa plusieurs cardinaux, qui furent successivement repoussés par le parti des vingt-trois. Ayant alors porté ses voix sur le Romain Alexandre Farnèse, dont l’âge n’était pas à leurs yeux un obstacle, avec le fils duquel et la fille de Lorenzino de Médicis il avait concerté un mariage, et qui de plus s’était engagé non-seulement à lui conserver sa puissance, mais à l’accroître, il fut sur le point de réussir. Farnèse réunit jusqu’à vingt-deux voix : il ne lui en fallait plus que

  1. « Quindici dei quali erano in favore del cardinal de Medici. » Relazipne di Roma, de Luigi Gradenigo, qui, dans le moment du conclave, était ambassadeur de Venise à Rome, de mai 1523, dans Albéri, série 2e, vol. III, p. 73. — Guicciardini compte aussi quinze voix, lib. V. — Paul Jove prétend qu’il disposait de seize ; Vita Hadriani, VI, cap. VIII.
  2. « Dei quali ventitrè diciotto volevano esser papa. » Relazione di Gradenigo, ibid., p. 73. — « Ex ordine seniorum nemo reperiebatur qui se eo honore non dignum putaret. » P. Jovins, Vita Hadriani VI, cap. VIII.