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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/676

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considère que la matière des corps, une propriété est simplement un mode d’action qui appartient à une substance simple ou composée, et qui dans un sens n’a rien de spécial, d’individuellement propre à l’objet où il s’exerce : il peut se reproduire dans d’autres objets où entrent les mêmes élémens ; tout au moins il se rattache pour nous au même genre d’action qui, dans d’autres corps, résulte d’une constitution analogue. Autant que je puis ressusciter la pensée morte de nos pères, il n’en était point ainsi de leurs propriétés, et quand ils les qualifiaient de secrètes, ils ne voulaient pas seulement indiquer un phénomène encore inexpliqué ; ils voulaient désigner une énergie absolument inexplicable, un effet dont il y aurait eu folie à chercher la cause naturelle, vu qu’il n’en avait aucune. En réalité, ils supposaient plus ou moins (et Bacon en était encore là) que la nature même des choses était indépendante de leur substance. Sans bien s’en rendre compte, ils se représentaient les modes d’existence comme des types de pensée qui s’étaient arrêtés en Dieu de par ses seules intentions, et qui étaient descendus tout formés dans des morceaux de matière avec lesquels ils n’avaient aucun rapport nécessaire. La matière était seulement l’étoffe où toutes les formes venaient prendre leur vêtement. À plus forte raison, les propriétés, telles qu’on les concevait, n’avaient point leur siège dans cette enveloppe inerte des types. Une propriété occulte, c’était un pouvoir tout personnel qui n’était possédé que par une seule espèce d’êtres, et qui tenait à la commission que le Tout-Puissant avait donnée à cette espèce ; c’était une instruction secrète remise à un messager, ou encore (car les opinions n’étaient pas bien nettes) c’était une sorte d’attribut dont l’idée était impliquée dans l’idée même d’une chose. De toute façon, ce qui ressemble le plus à ces propriétés occultes de nos pères, ce sont les dons que les fées, dans nos contes, viennent accorder à un enfant, et qui doivent rester en lui toute sa vie sans provenir en rien de ce qu’il a apporté dans ce monde.

L’attrait bien marqué qu’avait pour Browne cette philosophie ne rend que plus frappante la force d’intelligence avec laquelle il la combat. Il revient maintes fois à la charge contre ces mystérieuses affinités qui occupaient encore toutes les positions où la science du jour n’avait pas réussi à saisir un lien entre les propriétés et les élémens matériels des corps. Ce qu’il cherche à inculquer, c’est que ces vertus occultes ne sont que des actions naturelles dont l’agent est encore à découvrir : « En dernier lieu, écrit-il à la fin de sa dissertation sur l’aimant, nous devons dire quelques mots des relations magiques où nous rangeons tous les effets dont la paternité est imputée aux qualités occultes, aux formes spécifiques, aux antipathies