Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il n’y a point de variations diurnes, et qu’on aurait par conséquent pu nommer l’équateur de stabilité magnétique ; il avait eu cette pensée en observant que les marées magnétiques affectent les aiguilles aimantées d’une façon opposée dans les deux hémisphères, et produisent dans l’un une déviation plus grande vers l’ouest, et dans l’autre vers l’est. Sabine a fait voir qu’il n’existe pas de ligne pareille, mais que dans une certaine région, dont Sainte-Hélène par exemple fait partie, l’aiguille exécute pendant une moitié de l’année ce que l’on pourrait appeler des oscillations boréales, et pendant l’autre moitié des oscillations australes.

Il y a longtemps qu’on a observé qu’à certains momens les aiguilles magnétiques ont des mouvemens irréguliers, qu’elles s’affollent, pour employer une expression pittoresque et consacrée. Les nombreux observateurs qui épient les variations diurnes avec une attention minutieuse ont pu constater que ces oscillations exceptionnelles ont lieu au même moment en des points très éloignés les uns des autres. Ces orages magnétiques sont quelquefois locaux, mais plus souvent se font sentir sur une immense étendue, parfois sur la terre entière : l’apparition des aurores boréales en marque la fin, de même que les éclairs servent à rétablir l’équilibre de l’électricité atmosphérique. Dès 1806, M. de Humboldt et Oltmann ont observé avec soin les oscillations irrégulières de l’aiguille aimantée, et ont pu reconnaître que les orages magnétiques reviennent de préférence à certaines heures particulières. Dans les observatoires anglais, on a depuis enregistré une multitude d’observations à ce sujet. En examinant le rôle que jouent dans ce singulier phénomène l’époque de l’année, l’heure de la journée, Sabine est arrivé à conclure que les orages ne sont point des accidens, mais reparaissent périodiquement, suivant des lois reconnaissables, et qu’ils se rattachent intimement à la rotation terrestre et au mouvement de la terre dans son orbite. Les observations récentes ont aussi permis de montrer que les orages électriques suivent les phases de l’intensité magnétique ; ils sont fréquens pendant cinq ans, plus rares pendant les cinq années suivantes. Cette période décennale marque des variations périodiques dans l’intensité, la déclinaison et l’inclinaison magnétique, ainsi que Lamont l’a fait remarquer en 1851. Schwabe, qui a étudié avec tant de soin les taches du soleil, a reconnu de son côté une phase décennale dans l’apparition de ces ombres singulières : la coïncidence des périodes fixées par ces deux savans établit un lien nouveau entre le magnétisme terrestre et l’action solaire. Ainsi le foyer placé au centre de notre système planétaire ne nous envoie pas seulement de la chaleur et de la lumière, il entretient encore ces forces mystérieuses qui dirigent nos boussoles. Il tient sans doute à bien peu de chose que l’on n’ait jamais découvert les propriétés directrices des aimans naturels. N’ayant aucun sens pour percevoir le magnétisme comme nous percevons la lumière, comment aurions-nous pu soupçonner des influences dont, même aujourd’hui, nous ne pouvons que mesurer quelques effets sans en comprendre la nature ? La lumière solaire inonde constamment une moitié de notre globe, la chaleur y entretient la vie d’une multitude de plantes et d’animaux, amasse les nuages, met en mouvement les eaux de la mer, l’électricité se révèle par les effets les plus terribles. Le magnétisme, force muette et tranquille, ne se révèle d’aucune manière. Les aurores boréales n’en auraient jamais pu faire deviner l’existence