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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/755

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de l’induction et de la déduction, ainsi que d’un parallèle entre le syllogisme et la division par genres, division à laquelle Platon attribuait une grande valeur, comme le prouvent les dialogues du Sophiste et du Politique. Dans ces diverses monographies, l’auteur fait bien ressortir une distinction qui n’est généralement pas saisie et dont l’absence a causé en philosophie les plus grandes confusions, je veux parler de la distinction qu’il faut établir entre l’analyse purement psychologique d’un procédé intellectuel et les règles logiques auxquelles l’emploi de ce procédé doit être soumis, en un mot entre sa nature et son usage. Un chapitre spécial est consacré en outre à la Nouvelle Analytique de sir W. Hamilton, ouvrage dont s’est occupé ici M. Ch. de Rémusat dans une étude spéciale[1].

« Deux choses semblent nécessaires de nos jours en philosophie, dit M. Waddington : un caractère moral dans les doctrines qu’elle professe, un caractère scientifique dans la manière dont elle les établit. » Il est facile d’élargir les termes de cette assertion et d’en déduire presque complètement le rôle social de la philosophie, rôle dominateur, car la philosophie ne peut qu’occuper partout la première place, rôle dont on ne peut méconnaître la portée dès lors que la philosophie ajoute à ses doctrines par la rigueur de sa méthode l’élément pratique qui lui fait trop souvent défaut. Comme exemple à ses paroles, M. Waddington a mis à la fin de son volume un remarquable Essai sur la Propriété, dont l’origine est une leçon faite à la Sorbonne en novembre 1848 pour le concours d’agrégation. « La propriété, dit M. Waddington, est le rapport naturel des personnes et des choses. » Nous ne connaissons pas sur le même sujet de définition philosophique plus heureuse et plus vraie. Ce livre, outre les données qui étaient propres à son objet et dont l’explication réclamait naturellement un langage connu, est plein d’aperçus justes et profonds qui en font la bonté et la nouveauté. Ces Essais ont le droit d’être lus avec beaucoup d’attention ; on y rencontre dans plusieurs passages certaines différences de forme avec plusieurs philosophes connus qui font pressentir une profonde, bien que, pour ainsi dire, involontaire divergence d’opinions. À quelle école appartiennent en définitive les lignes suivantes : « L’idéal de l’homme ou son type de perfection, c’est ce qu’il est en puissance de devenir ? Or ce que nous pouvons devenir est indiqué par ce que nous sommes ; notre idéal résulte de notre nature même une fois connue… » Le spiritualisme et le matérialisme pourraient également revendiquer pour leur appartenant cette phrase de M. Waddington ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle appartient avant tout à la vérité.

La traduction de l’Introduction à l’Histoire du dix-neuvième siècle, de G. Gervinus, vient d’être donnée en Belgique par M. Constant Bernard[2]. Les tendances de l’historien allemand sont déjà connues[3]. Deux principes, selon lui, se disputent la domination, sinon universelle, du moins européenne, l’un de centralisation, de despotisme, d’unité, l’autre de désagrégation, de liberté, d’individualisme. Le premier, c’est le romanisme, représenté

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1856.
  2. 1 vol. in-8o, Bruxelles et Ostende, Ferdinand Claassen, 1858.
  3. Voyez l’étude de M. S.-R. Taillandier, Revue du 1er mars 1856.