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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/835

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des criminels ; malheureusement les guerres civiles des républiques de la Colombie, les changemens continuels de gouvernemens qu’elles ont amenés, ont été jusqu’ici un obstacle à la ratification de ces traités. Le Brésil n’a pu encore s’entendre avec le Paraguay sur leurs limites respectives : des déserts séparent les deux pays. Le premier établit son uti possidetis là où le second ne veut pas l’accepter ; mais une question plus grave est celle de la navigation des rivières, dont le Paraguay possède les deux rives inférieures à celles qui appartiennent à l’empire. Par un traité fait en 1850, le Paraguay avait concédé au Brésil la navigation des deux rives du Paraguay et de celles du Paraná, dont il était en possession. Menacé dans son indépendance par le dictateur Rosas, il voulait s’assurer alors l’appui du Brésil. Lorsqu’il s’est vu délivré de toutes ses craintes, il a cherché des prétextes pour s’opposer à cette navigation. Intimidé en 1856 par les forces navales que l’empire envoya dans les rivières, il a cependant signé un nouveau traité par lequel il concède encore le droit de navigation au pavillon brésilien, stipulant qu’à l’aide de règlemens fiscaux et de police on prendrait les mesures nécessaires pour prévenir la contrebande et assurer la tranquillité du pays.

Tandis que le Brésil ouvre au commerce du monde le port d’Albuquerque, situé dans la province de Matto-Grosso, sur les bords du Paraguay, et va jusqu’à permettre le cabotage à tous les pavillons, le gouvernement dictatorial du Paraguay établit des règlemens qui non-seulement ferment tous les ports de la république, mais qui sont encore de véritables obstacles à la navigation de cette rivière, en obligeant tous les navires de commerce à relâcher à l’Assomption, à Serro-Occidental et au fort Olympo, pour s’y soumettre à des formalités d’autant plus coûteuses, qu’elles allongent de beaucoup les voyages. Le Brésil ne veut pas reconnaître ces règlemens : la navigation et le commerce qu’il veut ouvrir à sa province de Matto-Grosso en souffriraient trop ; il est décidé à employer même la force, si le dictateur Lopez ne les modifie point. Cependant, avant d’arriver à des moyens extrêmes, il cherche par les voies diplomatiques à faire comprendre au Paraguay la nécessité où il est de retirer des prétentions non moins préjudiciables à lui-même qu’aux autres pays, car il ne peut pas rester fermé au commerce, et son avenir n’est fondé que sur le développement de son industrie. Vis-à-vis du Paraguay, le Brésil ne plaide pas seulement sa cause : il plaide celle du monde entier. Ce n’est pas uniquement dans son intérêt personnel qu’il est résolu à employer la force des armes, si les négociations n’aboutissent pas : c’est dans l’intérêt de tous les pays à qui la navigation du Paraguay, dont les rives supérieures appartiennent à l’empire,