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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/875

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elle formera un lac salé perdu dans une ceinture de roseaux, et autour duquel s’étendra une plaine aride, privée de toute végétation.

Les chefs mongols prennent tous le titre de sultan ; il en est qui comptent par milliers le nombre de leurs chevaux et de leurs chameaux, et par centaines de mille le nombre de leurs moutons. Ils font dresser devant leur tente plusieurs lances garnies de banderoles suivant le nombre de cavaliers auxquels ils commandent, et quelques uns d’entre eux prétendent à une origine illustre. Sultan-Ali-Iholdi, que visita M. Atkinson, se disait issu de Tamerlan, et entretenait dans son aoul un ménestrel chargé de célébrer les exploits de sa race. Sultan-Sabeck et Sultan-Baspasihan portaient à leur bonnet une plume de hibou pour constater leur descendance de Genghiz-Khan. Chaque chef a un marchand accrédité auquel il cède ou confie un certain nombre de chevaux et de moutons : le marchand les conduit en Chine à ses risques et périls, et rapporte en échange des étoffes de soie, des tapis de la Boukharie, des vases de porcelaine, du thé, du sucre et des confitures sèches. Ces rapports de commerce sont à peu près les seuls que les chefs mongols aient avec la Chine. Au milieu du XVIIIe siècle, sous l’empereur Kien-Longu, les Mongols ont dû se reconnaître tributaires de l’empire chinois ; mais la prompte décadence de la dynastie mandchoue a rendu depuis bien des années leur sujétion purement nominale. Séparés de la Chine proprement dite par le désert, les Mongols n’ont dans leur voisinage que les colonies pénales établies par les Chinois au pied des Syan-Tchan : beaucoup des criminels de ces colonies s’enfuient dans les montagnes, où ils s’associent pour se livrer au brigandage, et ils deviennent pour les Mongols, dont ils attaquent les villages et enlèvent les troupeaux, un légitime objet de haine et de terreur. Quant à l’empereur, son autorité est absolument inconnue. En revanche, l’influence russe commence à pénétrer parmi ces nomades. Sultan-Boulania avait rendu visite au gouverneur-général de la Sibérie occidentale, et quand M. Atkinson lui eut remis une lettre du gouverneur, il fit écrire par son mullah ou prêtre un passeport qui devait assurer au voyageur la protection de plusieurs sultans de la Grande-Horde. Sultan-Souk recevait une pension de la Russie ; il montrait avec orgueil un habit rouge, une médaille d’or et un sabre qui lui avaient été envoyés par Alexandre Ier. Il se para de ces dons précieux quand M. Atkinson voulut faire son portrait. Il avait reçu dans une expédition de brigandage un coup de hache qui lui avait fendu le nez : il recommanda au voyageur de ne point reproduire la cicatrice, de peur que l’empereur, s’il venait à voir ce portrait, ne découvrît que son pensionnaire était retombé dans les habitudes de pillage auxquelles il avait promis de renoncer.

C’est le commerce qui a mis en relation avec la Russie les Mongols