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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/93

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ACACIA
SCÈNES DE LA VIE AMÉRICAINE

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I. — OÙ L’ON VOIT L’AVANTAGE DE LIRE ABULFEDA DANS LE TEXTE.


L’an mil huit cent cinquante-six et le cinq juillet, comme disent les huissiers dans leur noble et beau style, un lingot se promenait seul, à cinq heures du soir, dans les rues de Louisville, au Kentucky. Tout le monde sait qu’il y a lingot et lingot ; celui dont je parle était l’un de ces aventuriers intrépides que le gouvernement français expédia en Californie aux frais de la fameuse loterie du lingot d’or, et que pour cette raison on appela lingots. Il avait vu San-Francisco et ses placers ; il avait trouvé de l’or, et il l’avait dépensé ; il avait eu la fièvre, et il en était guéri ; il avait tiré des coups de pistolet, et il en avait reçu. En somme, il se portait bien et vivait heureux, si l’on peut vivre heureux loin de Brives-la-Gaillarde.

Ce jour-là, il se promenait en rêvant à ses affaires, lorsqu’au détour d’une rue il entendit quelques coups de pistolet. — Des Kentuckiens qui s’expliquent ! dit-il en haussant les épaules. Bon débarras ! — Cependant la curiosité le fit avancer un peu, et il vit un homme qui se défendait, adossé à un mur, contre cinq ou six rowdies[1]. L’un des assaillans blessa cet homme d’un coup de poignard et tomba lui-même, assommé d’un coup de crosse de revolver. — Allah Akbar ! s’écria le vainqueur d’une voix triomphante.

À ce cri, le lingot, frappé d’une idée soudaine, fit tournoyer autour de sa tête un bâton noueux qu’il tenait à la main, et se jeta dans la mêlée. Il était temps. Le blessé avait peine à se défendre.

  1. Les rowdies sont quelque chose d’équivalent à nos rôdeurs de barrières.