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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/934

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Et dans ce cas, la nature inorganique aurait, elle aussi, son existence nocturne ; mais cet état spécial qu’on pourrait à peine nommer un repos, jamais un sommeil, serait encore un reste de mouvement, une action ralentie et sourde, moins différente de la vie que de )a mort.

Si l’on monte d’un degré l’échelle de l’existence, cette permanence de l’action et bientôt de la vie elle-même sous les trompeuses apparences de l’inerte immobilité se manifeste par des signes certains. Aristote a dit avec raison que, dépourvue de sensibilité et de la faculté de se mouvoir, la plante n’a pas besoin de repos comme l’animal, et que par conséquent elle ne dort pas. Soit ; mais la plante a sa vie diurne, vie d’épanouissement où elle s’ouvre avec abandon aux pénétrantes influences du ciel, et sa vie de huit, plus timide, plus lente, plus secrète. Aussitôt que le soleil élève son disque au-dessus de l’horizon, les plantes, ces filles de la lumière, se tournent vers le levant, et, déployant leurs feuilles, s’offrent sans réserve, tout entières, à l’astre dont les rayons les animent. Dès lors elles respirent avec force : elles absorbent l’air, le décomposent, fixent le carbone dans leurs plus intimes tissus, et exhalent l’oxygène. Plus la lumière devient éclatante et vive, plus aussi est actif en elles l’exercice de cette fonction organique. Tel est leur impérieux besoin de lumière ; que si vous les placez dans une serre que le jour ne frappe que d’un côté, elles tordront leurs branches et dirigeront leurs feuilles vers les vitraux. Ce phénomène si intéressant, et que l’on nomme héliotropie, est la visible manifestation de la vie diurne des végétaux. Que la nuit se fasse, naturelle ou artificielle, la plante, par un mouvement contraire, resserré et replie ses feuilles. Une certaine espèce de balsamine applique pendant la nuit contre sa tige ses feuilles qu’elle tient horizontales pendant le jour : elles se bombent et s’arrondissent alors légèrement, et les fleurs vont se réfugier sous cet abri naturel, comme des poussins sous les ailes étendues de leur mère. Dira-t-on qu’à partir de ce moment jusqu’à l’aube la plante est morte, ou du moins qu’elle n’agit plus ? On se tromperait. Elle continue de respirer en cet état ; mais sa respiration est inverse : ainsi contractée, elle absorbe l’oxygène de l’air et exhale l’acide carbonique. Cette contraction des feuilles, cette rigidité parfois insurmontable, cette respiration différente, voilà le sommeil des plantes. Est-ce un véritable repos ? On l’ignore. À coup sûr, si c’est une vie moindre, ce n’est pas une suspension de la vie.

Chez les animaux, nous rencontrons à la fois la sensibilité, la locomotion, la dépense quotidienne des forces vitales, et le besoin de les réparer par le repos, c’est-à-dire par le sommeil. « Les graves, dit M. Lemoine, ne s’épuisent pas à tomber dans l’espace, l’aimant