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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/984

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gouvernement, et a fini par proposer, après un laborieux examen, le rejet pur et simple de la loi présentée. Pour parler plus exactement, la commission s’est scindée, la majorité s’est prononcée d’une façon absolue contre la loi, tandis qu’une minorité, composée de MM. Buffa et Miglietti, s’est montrée plus favorable à la pensée du gouvernement, et se borne simplement à proposer d’introduire quelques modifications dans le projet primitif. Sur quoi se fonde donc la majorité de la commission ? Elle s’appuie principalement en apparence sur des motifs juridiques, sur la difficulté de caractériser des crimes ou des délits nouveaux, d’édicter des peines spéciales en vue d’un intérêt étranger, et à travers tout il n’est point difficile de voir que la raison secrète de cette opposition un peu inattendue est une susceptibilité nationale, la crainte de paraître céder à une influence étrangère.

Or il y a, ce nous semble, un fait bien simple à vérifier. Si la loi piémontaise punit déjà les attentats, des dispositions nouvelles sont inutiles, cela n’est point douteux ; si les lois actuelles sont inefficaces ou incomplètes, toute mesure qui tend à les fortifier ne ressemble vraiment en rien à un sacrifice d’honneur ou d’indépendance. La minorité de la commission en a jugé ainsi, et elle s’est ralliée au principe d’une loi qui est une garantie conservatrice de plus. Il reste à savoir aujourd’hui quelle sera l’opinion du parlement lui-même. La chambre des députés donnera-t-elle raison à la majorité de sa commission ou à la minorité ? On pourrait remarquer jusqu’ici que le rapport de M. Valerio a été reçu avec plus de surprise que de faveur par les journaux même les plus dévoués aux idées libérales, et tout semble indiquer que la majorité de la commission ne s’est pas inspirée très fidèlement de la pensée réelle de la chambre. Quant au gouvernement lui-même, il a gardé jusqu’au dernier instant une attitude de réserve qui s’explique suffisamment par la confusion où vivent à cette heure les partis dans le Piémont. C’est sur cette diffusion que compte certainement M. de Cavour pour assurer le succès de la loi qu’il a présentée, et qu’il persiste à soutenir. Pour tous les esprits, cela est bien clair, il y a une considération dominante dans toute cette question : c’est la nécessité de l’alliance avec la France. En dehors de toutes les divergences dans le système de gouvernement intérieur, cette alliance est celle qui répond encore le mieux aux aspirations de la politique piémontaise ; l’essentiel est de la conserver sans laisser s’obscurcir le caractère libéral de la législation intérieure, et c’est à concilier ces deux intérêts que tendront sans doute tous les efforts dans la discussion qui vient de s’ouvrir. M. de Cavour a pour adversaires naturels les partis extrêmes, qui lui reprochent de trop faire ou de ne pas faire assez. La question est de savoir si les opinions modérées se diviseront elles-mêmes au point de laisser le ministère sans une majorité décisive.

Par quelle série de circonstances singulières, cette autre question relative à la capture du Cagliari a-t-elle pris subitement une importance imprévue dans les relations du Piémont avec Naples, et même dans les affaires diplomatiques de l’Europe ? Il semble vraiment qu’il soit dans la destinée de toutes ces tentatives révolutionnaires qui éclatent par intervalles de laisser dans la politique comme une traînée d’embarras et de difficultés. On sait d’où est née cette question qui s’agite aujourd’hui et qui a grandi tout à coup. Un jour de l’été dernier, le Cagliari, faisant un service habituel de poste entre Gênes