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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/987

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pour battu cependant, et il poursuit de son côté la guerre qu’il a entreprise. Il y a peu de temps, il se manifestait dans le sénat par une proposition qui, sous l’apparence d’une mesure d’ordre intérieur, ne tendait à rien moins qu’à modifier gravement le caractère de la publicité des discussions législatives. Il s’agissait tout simplement de faire rédiger par une commission du sénat un extrait des délibérations qui devrait être communiqué aux journaux. On ne cachait du reste nullement l’intention d’enlever aux séances le caractère passionné et dramatique qu’elles ont quelquefois dans les pays libres. Cette tentative n’a eu aucun succès. Tout récemment encore, un incident singulier est venu mettre en lumière ce travail des intrigues réactionnaires. Ce n’est point d’aujourd’hui que l’absolutisme espagnol cherche à se déguiser pour faire irruption dans la vie publique. Il a pris un nom assez pompeux, et s’est appelé la fusion dynastique. Avant la naissance récente du prince des Asturies, la fusion devait s’accomplir au moyen d’un mariage entre la fille de la reine et un des infans de la famille de don Carlos. Depuis la naissance d’un héritier du trône, la chose est devenue plus difficile. Madrid ne s’est pas moins réveillé l’un de ces jours au milieu de tous les bruits d’une fusion dynastique. Or il vient ici une réflexion bien simple : là où il y a une reine légitime par la naissance et par la consécration nationale, là où il y a un héritier direct du trône, que peut être une fusion ? Elle ne peut être qu’une soumission de la branche dissidente, ainsi que l’a dit le gouvernement dans une discussion qui s’est ouverte au sein du congrès. M. Isturiz a été aussi net que possible. Seulement, le gouvernement de la reine étant étranger à ces machinations occultes, on peut se demander d’où vient ce travail, qui a un instant préoccupé Madrid et qui a retenti dans les cortès. Quoi qu’il en soit, la discussion du congrès n’a point été heureuse pour la fusion : elle n’a servi qu’à mettre en lumière le sentiment libéral et constitutionnel, qui, après tout, vit dans l’âme de l’Espagne, et qui devrait être le lien le plus efficace des partis au milieu de leurs divisions.

La prise de Lucknow a porté un coup décisif à l’insurrection de l’armée indienne, qui avait transporté son quartier-général dans cette capitale de l’ancien royaume d’Oude. Ce n’est point là peut-être un brillant fait d’armes, car les rebelles n’ont opposé qu’une médiocre résistance, et les pertes des Anglais dans les engagemens qui ont précédé la prise de la ville ont été relativement assez faibles ; mais si l’on tient compte des difficultés que présentent les communications dans cette partie de l’Inde et de l’insalubrité du climat, on doit rendre hommage à l’habileté déployée par le général en chef, sir Colin Campbell, et par ses lieutenans, en particulier par sir J. Outram, qui ont su faire arriver en temps opportun sous les murs de Lucknow une armée européenne de près de vingt mille hommes. Quelques semaines plus tard, et il eût fallu ajourner jusqu’au retour de la saison d’hiver toute opération active. Aussi le gouvernement et le peuple anglais ont-ils accueilli avec la plus vive satisfaction la nouvelle apportée par la dernière malle, car ils sentent que leur liberté d’action en Europe était subordonnée à la marche des événemens dans l’Inde, et que leur politique extérieure aurait pu se trouver gênée, sinon compromise, par la nécessité d’envoyer en Asie de continuels renforts. Il ne faut pas croire cependant que tout soit terminé par l’occupation de Lucknow : il s’agit maintenant de poursuivre les bandes de rebelles