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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/557

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la régence avait pris l’engagement de ne point altérer les monnaies ; cependant quatre mois s’étaient à peine écoulés que l’absence de toute rentrée, jointe à l’impossibilité d’obtenir aucune avance des traitans, alors placés sous le coup de pénalités terribles, réduisait le conseil des finances à la même extrémité que les divers gouvernemens précédens. L’édit du 8 janvier 1716 éleva donc d’un sixième la valeur légale des pièces d’or et d’argent, sans altérer d’ailleurs le titre et le poids des espèces, étrange compromis par lequel on s’efforçait de garder quelque respect pour la lettre d’un engagement récent, et dont le résultat, facile à prévoir, ce semble, fut de faire écouler à flot le numéraire français à l’étranger, d’où il ne tarda pas à revenir frappé à l’empreinte nouvelle, sans avantage appréciable pour l’état et en assurant à nos voisins le profit de la différence.

Les chambres de justice tenaient une trop grande place dans le programme financier de l’ancienne monarchie, une pareille institution était trop conforme d’ailleurs à l’esprit d’un gouvernement aristocratique ennemi né de la finance, pour que la régence hésitât à suivre sur ce point les traditions des trois derniers règnes. Louis XIV avait dû aux confiscations prononcées contre les traitans en 1665 les cent millions avec lesquels il avait couvert les frais de ses deux premières campagnes. Ces violences juridiques furent moins utiles pour la liquidation de ce long règne qu’elles ne l’avaient été pour en seconder les brillans débuts. Comme celle qui l’avait précédée, la chambre ardente de 1716 siégea plusieurs mois au couvent des Grands-Augustins, au milieu des instrumens de torture, assiégée par les délateurs, auxquels il avait été fait un appel solennel sur tous les points du royaume sous la double garantie d’une récompense et du secret. L’auteur des Recherches sur les Finances, très sûr particulièrement pour cette partie de notre histoire financière, nous a laissé l’exposé complet de ces opérations, récit d’un intérêt aujourd’hui sans égal, et aussi véridique qu’il est certainement invraisemblable. La manière d’opérer de la chambre de justice était des plus simples : on dressait d’une part l’état nominatif de toutes les personnes intéressées depuis vingt-cinq ans dans les emprunts, les fournitures, les fermes ou la perception des taxes, à quelque titre que ce pût être ; de l’autre, on plaçait l’état général de leurs biens meubles et immeubles, et, d’après le taux de ceux-ci, on prononçait une confiscation proportionnelle pour environ les deux septièmes, taux auquel avait été arbitrée pour tous les traitans la part présumée du vol et de la fraude[1].

  1. « Suivant cet état, les biens déclarés par les justiciables, au nombre de quatre mille quatre cent dix personnes, montaient à 712,922,688 fr., sur lesquels on déduisit leurs patrimoines, dots, successions non susceptibles de taxe, montant à 493,444,297 fr. En sorte que le total des taxes est de 219,478,391 fr., ce qui fait environ deux septièmes qu’on tirait de la masse de leurs biens. » (Forbonnais, Recherches et Considérations sur les finances de la France, t. II, p. 401 ; Bâle, 1758.)