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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/679

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MIRABEAU
ET
Mme DE NEHRA



Tout le monde connaît la liaison de Mirabeau avec la marquise de Monnier. Les Lettres à Sophie ont fait depuis longtemps entrer dans le domaine public cet incident de la vie très incorrecte de l’éloquent orateur. Les romanciers s’en sont emparés et y ont ajouté toute sorte d’inventions. Les historiens eux-mêmes n’ont pas dédaigné de tirer parti de cet épisode en le défigurant parfois assez notablement. C’est ainsi que M. de Lacretelle, dans son Histoire de France pendant le dix-huitième siècle, termine un tableau des amours de Mirabeau et de Sophie par cette phrase : « Mirabeau oublia cette Sophie, dont la pensée avait paru remplir toute son âme, et Mme Le Monnier, restée seule dans l’univers, se donna la mort. » L’historien aurait dû s’enquérir plus scrupuleusement de l’exactitude des faits et même des noms. Mme de Monnier, et non Le Monnier, après sa rupture avec Mirabeau, ne resta point seule dans l’univers, et ce n’est point à cause de lui qu’elle se donna la mort. M. Lucas, de Montigny, dans l’ouvrage si consciencieux et si riche en documens qu’il a consacré à la vie de Mirabeau, son père adoptif, a mis hors de toute contestation possible ce point de détail dont l’éclaircissement allège d’autant la responsabilité du premier amant de Sophie[1]. Il est aujourd’hui parfaitement démontré qu’après sa

  1. Voyez l’ouvrage intitulé Mémoires de Mirabeau, écrits par lui-même, par son père, son oncle et son fils adoptif, t. III, p. 285 et suivantes. Nous devons dire que le passage de M. de Lacretelle, que nous empruntons à M. Lucas de Montigny, figurait sans doute dans la première édition de l’Histoire de France pendant le dix-huitième siècle, mais qu’il n’a pas été retrouvé par nous dans les dernières éditions de cet ouvrage.