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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/78

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taires qui exerçaient l’autorité à tour de rôle. Ils réglaient le service, maintenaient la discipline, jugeaient et punissaient les délits, transmettaient les ordres. Mais, au temps de César, ces officiers, élus à Rome par le peuple ou les consuls, ne présentaient aucune garantie d’aptitude ou d’expérience : c’étaient le plus souvent des jeunes gens, d’aimables oisifs, qui devaient leur nomination à la faveur des uns ou des autres. César, encore inconnu, avait débuté par le tribunat militaire, et un peu plus tard Horace devait remplir ces fonctions[1] avec un médiocre succès. Aussi la direction sur le terrain appartenait-elle aux centurions, tous sortis des rangs, tous choisis parmi les soldats les plus braves, les plus éprouvés, les plus calmes dans le danger. C’étaient de simples capitaines de compagnies, et pourtant un certain nombre d’entre eux, appelés « premiers ordres » en raison du rang que prenaient leurs manipules dans l’ordre de bataille, conduisaient les cohortes au combat, tandis que tous obéissaient au premier centurion de la légion, ou centurion du primipile. C’est ainsi que nos anciens régimens étaient commandés par un capitaine-colonel.

Ces attributions, mal définies ou modifiées par l’usage, étaient une source de conflits, un principe d’anarchie, dont les effets devaient être d’autant plus sensibles que les armées devenaient plus nombreuses. César y porta remède. À la tête de chaque légion, il mit habituellement un de ces hommes ardens qu’il avait amenés de Rome comme ses lieutenans (legati)[2], et dont il comptait faire les instrumens de ses desseins politiques. Il exigeait d’eux une grande vigilance, une grande activité[3], mais il leur donnait l’occasion d’acquérir de l’expérience et de se faire un nom. Cette mesure répondait donc à l’arrière-pensée de César, en même temps qu’elle assurait l’unité d’impulsion sur le champ de bataille ; enfin elle annulait presque entièrement les tribuns militaires. Or ceux-ci gênaient tout à la fois le général et l’ambitieux : le général, parce que ce rouage mal réglé entravait et ralentissait son action ; l’ambitieux, parce qu’il voyait en eux des surveillans incommodes placés entre ses soldats et lui. César paraît n’avoir rien négligé pour les mettre tout à fait à l’écart. Écoutons-le quand il raconte le combat soutenu par la 12e légion sur les bords de la Sambre : « Tous les centurions de la 4e cohorte avaient succombé ; presque tous ceux des autres cohortes étaient tués ou blessés, et le primi-

  1. Quod mihi pareret legio Romana tribuno. (Horatius, sat. i, 6, 48.)
  2. « Singulis legionibus singulos legatos præfecit. » B. G., i, 48 et passim.
  3. « Ab opere singulisque legionibus singulos legatos Caesar discedere, nisi munitis castris, vetuit. » B. G., ii, 20 et passim.