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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/868

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Hanovre et la succession éventuelle de la couronne de France à la maison d’Orléans, en vertu des renonciations de Philippe V ; il stipulait des secours respectifs en hommes et en vaisseaux pour celle des deux puissances qui serait ou menacée par une insurrection ou attaquée par un gouvernement étranger ; il imposait enfin à la France l’obligation d’éloigner le prétendant, et celle bien plus pénible d’exécuter sous l’inspection de commissaires anglais la stipulation de 1713 relative à la démolition des fortifications et au comblement du port de Dunkerque.

La triple alliance de 1717 eut un sort singulier, mais facile à prévoir. Violemment attaqué en Angleterre comme une conséquence de cette paix d’Utrecht si odieuse à la nation, que la chambre des communes, en réclamant une poursuite criminelle contre ses auteurs, persistait à l’appeler a treacherous and dishonourable peace, ce traité fut incriminé au conseil de régence par des motifs graves, et ces motifs, auraient pu y triompher, si ce conseil n’avait été une pure institution de parade créée pour l’inerte vanité de ses membres. Quoique la clause concernant Dunkerque eût été subie par Louis XIV[1], la rappeler en l’aggravant par l’établissement d’un commissariat semblait une concession des plus blessantes pour l’honneur national. Passer de la reconnaissance de la maison de Hanovre à l’obligation de chasser d’une terre hospitalière une dynastie malheureuse et dévouée à la France, c’était soulever contre soi de nobles et légitimes indignations. Ni le régent ni Dubois ne l’ignoraient ; il y avait seulement entre eux cette différence, que le prince souffrait cruellement des répugnances publiques, tandis que le seul souci du diplomate était de le fortifier contre elles. Sachant fort bien qu’un traité qu’il réputait si utile ne pourrait passer en Angleterre qu’à l’aide d’une rédaction presque offensante, et que pour le faire amnistier du parlement, même dans les termes où il était présenté, il faudrait toute la résolution de Stanhope servie par l’habileté de Walpole, Dubois suivit la pente d’une nature qui s’inquiétait toujours beaucoup plus du succès que du prix dont il fallait le payer. Subalterne et encore obscur, ne tenant à rien ni à personne, cet agent jusqu’alors sans caractère officiel n’avait à sacrifier ni traditions ni renommée, et les perspectives de l’ambition le touchaient plus que les délicatesses de l’honneur. Devinant donc avec un instinct sûr que tous les problèmes européens seraient bientôt résolus par cette œuvre inattendue, et que les conséquences feraient passer sur le principe, l’ancien valet de chambre accepta sans résistance des conditions devant lesquelles aurait certainement reculé la juste fierté d’un gentilhomme.

  1. Traité d’Utrecht, art. IX.