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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/925

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de Tarki ou Tawareks. Cette appellation, que l’on voit apparaître pour la première fois dans des historiens arabes qui écrivaient il y a trois ou quatre cents ans, n’est pas celle que ces hommes se donnent à eux-mêmes ; ils ont conservé le vieux nom de Mazighs ou Amazighs, sous lequel les anciens avaient déjà appris à les connaître. Quant au mot Tawarek, il parait signifier apostat, et faire allusion à leur conversion du christianisme à la religion de Mahomet. Ce sont des musulmans fanatiques, mais de peu d’instruction. Toutes leurs connaissances religieuses se résument dans cette profession de foi : « Il y a un Dieu, et Mahomet est son prophète. » Du christianisme ils ont retenu les mots Mesi (Messie), dont ils ont fait un des noms de la Divinité, et angélus, avec la signification d’ange. Des superstitions de leur premier âge se mêlent à leurs croyances. Avec le nom de Mesi, ils en donnent à Dieu un autre qui rappelle l’Ammon égyptien, et M. Barth a trouvé dans le désert des sculptures primitives qui, par le caractère du dessin, semblent accuser des rapports, sinon de race, du moins de contact avec l’antique Égypte. Ils se divisent et subdivisent en un nombre incroyable de tribus et de sections qui sont considérées comme plus ou moins nobles suivant qu’elles sont plus ou moins pures de mélange avec les races noires. Les plus illustres et les plus puissantes sont celles des Azkars, dont les femmes sont remarquables par leur beauté, et les Imoshagh, qui, de même que les anciens Spartiates faisaient travailler à leur profit les Laconiens, ne subsistent que du travail de leurs esclaves et du tribut qu’ils prélèvent sur les caravanes depuis un temps antérieur à Léon l’Africain. La race puissante des Kelowi, qui domine dans l’Aïr ou Asben, a cela de particulier qu’elle est entièrement sédentaire, ce que la syllabe préfixe kel indique dans le langage berbère. Chez les Azkars et les Kelowi subsiste une coutume très bizarre, dont on trouve aussi quelques traces chez certains peuples de l’antiquité : c’est la transmission du pouvoir, non du père à son fils, mais au fils de sa sœur. Tacite nous apprend que le lien de parenté qui rattache le neveu à l’oncle maternel était presque aussi sacré chez les Germains que celui qui unit le fils au père, et que, dans certains cas même, au fils on préférait le neveu. Cette préférence n’allait cependant pas jusqu’à substituer celui-ci à celui-là dans les successions. Aujourd’hui, à la côte de Malabar, ce mode singulier d’hérédité est en pratique.

Montés sur leurs méheris, chameaux rapides, les Tawareks sillonnent en tous sens le désert ; les uns s’adonnent au commerce, les autres rançonnent les caravanes ; les chefs font payer le passage sur leur territoire par un tribut qui souvent ne préserve pas les marchands des exactions, du pillage et quelquefois même du meurtre. C’est ainsi qu’une petite caravane du peuple des Tébus, qui habite une partie plus orientale du désert, fut massacrée aux environs d’Asiu peu de temps après le passage du docteur Barth et de ses compagnons ; les Tawareks Hadanara, désappointés de n’avoir rien pu extorquer aux Européens, se jetèrent sur les malheureux Tébus, les tuèrent et s’emparèrent de dix chameaux et d’une trentaine d’esclaves que ceux-ci menaient avec eux. Les déprédations des Tawareks ne sont du reste pas limitées au désert ; ils font des incursions jusque dans le cœur du Soudan ; l’état de Kanem, qui s’étend sur le rivage septentrional du Tsad, est