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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/208

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sans rechercher les rapports mutuels qui les unissent. La notion de ces agens physiques remonte jusqu’aux écoles de Démocrite et de Leucippe. Ces philosophes célèbres se faisaient de la matérialité une idée assez peu différente de celle que partagent encore aujourd’hui ceux qui parlent de fluide lumineux ou électrique : ils croyaient à des entités indépendantes de la substance matérielle proprement dite, qui, en s’y ajoutant, lui communiquent les propriétés que les sens y découvrent. L’école scolastique les conserva sous le nom de formes ; elle professait de même qu’il est impossible de les isoler, de les séparer de la matière, mais qu’on peut du moins les transférer d’un corps à l’autre : cette doctrine donne une valeur philosophique aux travaux de l’alchimie, que nous regardons aujourd’hui comme fort bizarres, bien qu’ils aient occupé tant de nobles et puissans esprits. Bacon lui-même adoptait encore les formes de la science scolastique ; pourtant on rencontre, en plusieurs points du Novum Organum, une expression vague et anticipée de la doctrine qui, de nos jours, a été substituée à celle des anciennes écoles.

Au lieu d’attribuer les phénomènes de la chaleur, de l’électricité, de la lumière, à des agens séparés, nous les expliquons aujourd’hui par les mouvemens variés d’une substance unique : l’éther, c’est le nom qu’on lui donne, forme l’atmosphère commune de toutes les particules matérielles ; il sépare les atomes dans les corps, les astres dans l’espace infini. En ondulant ou vibrant d’une certaine façon, il nous communique l’impression de la lumière ; d’une autre manière, celle de la chaleur : toutes les théories physiques, dans cette hypothèse, deviennent de pures théories dynamiques. Il faut une longue réflexion pour comprendre la profondeur, la simplicité hardie d’une conception qui fait apparaître le mouvement comme l’âme même de la matière ; la science est débarrassée des formes, des qualités propres, des fluides : il ne s’agit plus que de simples vitesses, que nous pouvons arriver à mesurer.

C’est aux découvertes de l’optique qu’est due principalement cette grande révolution scientifique. Dès qu’on eut reconnu que, dans certains cas, deux rayons lumineux s’éteignent en s’ajoutant l’un à l’autre, il ne fut pas permis plus longtemps de regarder la lumière comme une substance propre émise par les corps. Le phénomène que nous venons de citer, et qu’on connaît dans la science sous le nom d’interférence, trouva une explication très simple dans la théorie de l’éther : comme deux forces égales appliquées dans des sens contraires à un même objet le maintiennent dans l’immobilité, ainsi conçoit-on qu’une molécule éthérée puisse être sollicitée par un double mouvement ondulatoire, dont les effets se contrarient et s’annulent. Une fois en possession de cette théorie nouvelle des