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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/244

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est évidemment d’une bonne gymnastique pour l’esprit de se rafraîchir aux périodes cadencées de l’éloquence académique. Ce n’est pas en somme qu’il y ait ici plus de nouveau que là; mais n’est-il pas permis d’espérer dans ces hautes manifestations intellectuelles un peu plus d’imprévu que dans la littérature éphémère ? Il convient cependant d’abandonner ce côté frivole qui se retrouve dans les fêtes académiques comme dans toutes les choses humaines, et de ne distinguer que les élémens d’intérêt plus sérieux qu’ont offerts les dernières séances auxquelles l’Institut avait convié le public.

Chercher, par exemple, les moyens les plus efficaces pour établir les lois qui président au bien-être de leurs semblables, c’est la plus noble tâche que puissent accepter des esprits cultivés. Aussi n’est-il pas, selon nous, de spectacle plus imposant, plus propre à nous donner le sentiment de notre dignité, plus apte à raffermir nos courages ébranlés que la réunion d’hommes convaincus en même temps de la grandeur et des difficultés d’un pareil devoir. Ce spectacle, l’Académie des Sciences morales et politiques est, de toutes les sections de l’Institut, celle qui l’offre au plus haut degré. C’est là qu’il est permis d’avoir en ses propres forces une salutaire confiance, de tirer des résultats acquis un juste orgueil, de puiser pour les travaux de l’avenir de hardies espérances. Si l’on voulait montrer l’importance d’une telle assemblée, il suffirait de rappeler quelles conséquences entraîne une interruption dans ses travaux. Supprimée en 1803 par le premier consul, l’Académie des Sciences morales et politiques ne fut rétablie qu’en 1832, sur la proposition de M. Guizot. Quels services n’eût pas rendus, pendant ces trente années d’une période de transition sociale dont le terme n’est pas encore atteint, une assemblée qui, au lendemain d’une révolution sans pareille dans l’histoire de l’humanité, eût gardé la juste mesure des nouveaux droits et des nouveaux devoirs, eût constitué à l’origine d’une société nouvelle les principes d’une science qui était la base de cette société, et se fût mise enfin à la tête d’un mouvement qu’elle eût dominé de sa légitime autorité ! Qui peut contester ce qu’on aurait évité de maux, si pendant l’empire et la restauration on eût laissé cette assemblée travailler silencieusement à prévenir les inquiétudes parties d’en bas? Pour que le mouvement économique se produisît d’une manière sensible, n’a-t-il pas fallu le choc des passions et des intérêts soulevés par la chute du dernier règne? Et alors n’a-t-il pas été trop tard?

A Dieu ne plaise qu’à notre tour nous fassions un reproche à l’Académie des Sciences morales et politiques d’avoir échoué dans son intervention pacifique; nous ne sommes ici que l’écho d’organes plus illustres. « Nos codes, disait le regrettable Rossi, par le cours naturel des choses, se sont trouvés placés entre deux faits immenses dont l’un les a précédés, dont l’autre les a suivis : la révolution sociale et la révolution économique. Ils ont réglé le premier, ils n’ont pas réglé le second[1]. » La faute certainement n’en est pas à l’économie politique, qui fait tous ses efforts pour se constituer à l’état de science. Elle remonte à ses origines, elle cherche à établir d’une manière positive, bien qu’à tâtons, sa corrélation avec la philosophie et la morale, et cependant, malgré le besoin qui nous presse, malgré les dangers

  1. "Mémoires de l’Académie des Sciences morales et politiques", tome II, 2e série.