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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/27

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honteux, mais frivole, et qui, après tout, ne doit guère l’enrichir ?

— Ce n’est pas un métier qu’il fait, répondit le major avec vivacité, c’est un amusement qu’il se donne.

— Ah ! permettez, on le paie !

— Eh bien ! nous autres militaires, on nous paie aussi pour servir l’état. Est-ce que nos terres et nos revenus ne sont pas le salaire de nos services ?

— Il y a salaire et récompense, dit Marguerite avec une mélancolique douceur ; mais le froid se fait bien sentir : est-ce que nous ne partons pas ? Il me semble qu’il n’y aurait aucun danger sur le lac.

Le major comprit ou crut comprendre que Marguerite avait un grand désir de causer avec lui, et il lui offrit le bras jusqu’à son traîneau, où il demanda à Mlle Potin de lui permettre de prendre place pour retourner au château. Quelques mots rapidement adressés au lieutenant firent comprendre à celui-ci qu’il serait agréable au major de voir Olga monter dans un autre traîneau avec lui et Martina Akerström, et le bon lieutenant, sans s’inquiéter de savoir pourquoi, obéissant comme à une consigne, fit accepter son offre à sa fiancée et à la jeune Russe.

Osmund put donc en toute liberté disculper chaudement Christian Waldo de la mauvaise opinion que Marguerite et Mlle Potin, sa discrète confidente, semblaient avoir de lui. Pour y parvenir, il n’eut qu’à raconter sa conversation avec Waldo et la résolution excentrique et généreuse que celui-ci avait prise d’embrasser une vie rude et misérable plutôt que de continuer une vie d’aventures qu’il condamnait lui-même. Marguerite écoutait avec une apparence de tranquillité, comme s’il se fût agi d’une appréciation générale sur une situation quelconque ; mais elle n’était pas habile comédienne, et le major, qui eut la délicatesse de prendre la chose comme elle désirait qu’elle fût prise, ne se trompa guère sur l’intérêt qu’elle y portait dans le secret de son âme.

Cependant le baron Olaüs avait été porté dans son lit, où il paraissait calme ; le médecin, interrogé par les héritiers, avait, selon sa coutume et conformément à sa consigne, éludé les questions. On savait bien que le respectable et cher oncle était arrivé si faible, qu’il avait fallu le porter, le déshabiller et le coucher comme un enfant ; mais, selon le médecin, ce n’était qu’un nouvel accident, passager comme les autres. Johan donnait des ordres pour que les ris et les jeux allassent leur train. La comédie de marionnettes était annoncée pour huit heures. Le docteur Stangstadius eût pu révéler la gravité de la situation ; mais il n’était rentré de la chasse que pour monter dans l’observatoire du château, afin d’étudier à loisir le phénomène