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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/281

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— Non, tuez-le ! s’écria Johan, risquant le tout pour le tout.

— Oui, oui, jetez-le par la fenêtre ! répondit le chœur de ces passions diaboliques, et la chambre du défunt devint le théâtre d’une scène de tumulte et de scandale, les valets s’étant précipités sur Christian, qui ne pouvait se défendre, car le ministre s’était mis devant lui pour lui faire un rempart de son corps, en jurant qu’on le tuerait lui-même avant d’accomplir un meurtre en sa présence.

Le médecin, Jacob et deux des héritiers, un vieillard et son jeune fils, se mirent du côté de Christian par respect pour le ministre et par loyauté naturelle ; Stangstadius, espérant calmer les passions par l’autorité de son nom et de son éloquence, s’était jeté entre les combattans qui n’en tenaient compte et le refoulaient sur Christian, si bien que le jeune homme, plus empêché que secouru par ce petit groupe de faibles champions, se voyait repoussé pas à pas vers la fenêtre, que Johan, l’œil en feu et la bouche baveuse de rage, venait d’ouvrir en vociférant, pour ne pas laisser refroidir l’ivresse de la peur chez ses acolytes.

En regardant cet homme affreux, qui jetait enfin le masque de son hypocrite douceur et laissait voir le type et les instincts d’un tigre, le ministre et le médecin, frappés de terreur, eurent comme un moment de vertige et tombèrent plus qu’ils ne reculèrent sur Christian, tandis que deux des plus déterminés coquins saisissaient adroitement ses jambes pour le soulever et le jeter dehors à la renverse. C’en était fait de lui, lorsque le major Larrson, le lieutenant, le caporal, M. Goefle et les quatre soldats se précipitèrent dans la chambre. — Respect à la loi ! s’écria le major en se dirigeant sur Johan. Au nom du roi, je vous arrête ! — Et, le remettant au caporal Duff, il ajouta en s’adressant au lieutenant : Ne laissez sortir personne !

Alors, au milieu d’un silence de crainte ou de respect, car personne n’osait en ce moment méconnaître l’ascendant d’un officier de l’indelta, Larrson, promenant ses regards autour de lui, vit le baron immobile sur son lit. Il approcha, le regarda attentivement, ôta son chapeau en disant : La Mort est l’envoyée de Dieu ! et le remit sur sa tête en ajoutant : Que Dieu pardonne au baron de Waldemora !

Plusieurs voix s’élevèrent alors pour invoquer l’assistance du major contre les intrigans et les imposteurs ; mais il requit le silence, déclarant ne vouloir entendre que de la bouche du ministre la première explication de l’étrange scène qu’il avait surprise en entrant.

— Ne convient-il pas, répondit M. Akerström, que cette explication ait lieu dans une autre pièce ?

— Oui, dit le major, à cause de ce cadavre, passons dans le cabinet du baron. Caporal, faites défiler une à une les personnes qui