Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fêtes nationales et pour les événemens de la vie privée, quand ils n’y sont périodiquement ramenés que par l’habitude, et que leur âme est ailleurs, le joug de cette législation leur est léger, et ils en sentent si peu le poids qu’ils en ignorent presque l’existence; mais si la vie et le mouvement, qui est le signe de la vie, viennent à se manifester au sein d’un culte, il s’aperçoit aussitôt que la protection qui lui permet d’exister lui interdit de grandir, et que la tolérance du prince est la seule mesure de sa liberté. Cette mesure, essentiellement mobile, peut s’élargir comme elle peut se resserrer, suivant que le pouvoir armé de la force irrésistible des lois préventives est plus ou moins accessible au sentiment de la justice ou à la crainte de l’opinion. C’est à l’influence de l’opinion que Napoléon lui-même remettait le soin de maintenir la liberté des cultes, lorsqu’il maudissait publiquement celui de ses successeurs qui serait capable d’y porter atteinte, et qu’il ajoutait : « Je vous autorise à lui donner le nom de Néron. » Le mot est éloquent, mais il est bien difficile de trouver la garantie suffisante. Une bonne loi sur les cultes eût été de beaucoup préférable à une autorisation si stérile et si précaire.

Cette loi si désirable, la charte parut l’apporter à la France. « Chacun, dit-elle (art. 5), professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection. » Cette déclaration de la charte, reproduite par les constitutions postérieures, signifie à première vue que le libre exercice de tous les cultes est désormais autorisé, que leurs sectateurs peuvent se réunir pour les célébrer et s’appliquer à les répandre sans en être empêchés par aucune mesure préventive, sans autre contrôle que celui de la loi commune et des tribunaux; mais, tandis que tout le monde saluait dans cet article de la charte l’avènement et la proclamation de la liberté religieuse, on oubliait que, dans un coin du code pénal, se trouvait écrite de main de maître, et en caractères ineffaçables, la loi constitutive du régime des cultes. L’article 291 du code pénal déclare toute réunion périodique de plus de vingt personnes soumise à l’autorisation préalable du gouvernement et aux conditions que l’administration jugera à propos de lui imposer. De plus, l’article 294 interdit à tout citoyen de souffrir une réunion périodique dans sa demeure sans en avoir préalablement obtenu la permission de l’autorité municipale. L’existence et l’emplacement de la réunion sont donc également remis entre les mains de l’autorité administrative, qui peut lui refuser à son gré l’emplacement ou l’existence. Ce refus est-il sans appel? Rassurez-vous : du refus du maire vous appelez au préfet du département, du refus du préfet du département au ministre de l’intérieur, et du refus du ministre de l’intérieur au conseil d’état, où l’administration prononce solennellement