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exige de lui, il faut qu’il ne la puisse jamais rapporter en Angleterre, à moins toutefois que dans l’intervalle Susan Merton ne s’appelle Mme Meadows. De tout ce qu’invente Peter Crawley pour la ruine de Fielding, des infamies, des crimes même auxquels il est forcément entraîné pour bien servir son maître, nous n’avons que faire: non pas du reste que cette partie du livre manque d’intérêt; mais c’est un intérêt à côté de celui que nous y cherchons et surtout de celui qu’y pourrait trouver le lecteur français. Bornons-nous à dire que les manœuvres du représentant de Meadows sont déjouées l’une après l’autre par Fielding, et surtout par son fidus Achates, Tom Robinson. Le roman se termine donc, comme on a pu le prévoir dès la première page, par le mariage du jeune fermier avec sa cousine.

Tel est le canevas de l’ouvrage de M. Reade. Il n’est guère possible, on l’avouera, d’en trouver un plus simple. Cependant sur ces données l’auteur a produit un livre des plus remarquables, un des livres les plus lus de ce temps-ci en Angleterre, et, n’ayons garde de le méconnaître, ces données elles-mêmes tiennent à ce qu’il y a de plus fondamental dans la civilisation britannique, à quelques-unes des causes de la puissance et de l’originalité de la race anglo-saxonne. Il y a, je l’ai dit, dans Never too late to mend trois héros, ou, plus exactement, trois formes différentes, dans lesquelles s’incarne l’indomptable volonté qui est, de toutes les qualités de la race anglo-saxonne, lapins forte, celle qui la distingue le mieux de quelque autre fraction de la famille humaine que ce soit. Commençons par le premier, par George Fielding.

« En Angleterre, dit Emerson, l’esprit est partout un, et son mode d’expansion est identique. Un homme dont le cerveau est fait de telle ou telle façon pense de telle ou telle sorte, pense telle pensée et non telle autre; mais il se trouve qu’aussi son voisin, ayant le cerveau jeté dans le même moule, pense la même chose de la même manière, bien que ledit voisin puisse être riche à millions et jouir d’un titre de marquis ou de duc. » Ces lignes s’appliquent à merveille aux premières scènes du livre de M. Reade, où nous faisons connaissance avec George Fielding. Le jeune fermier cause sur le pas de sa porte avec l’honorable Frank Winchester. Celui-ci est éperdûment épris d’une jeune fille qui partage son amour, et dont il ne peut obtenir la main, parce qu’il n’a ni argent ni espérances. Déterminé à partir pour l’Australie comme fermier, éleveur, spéculateur, afin de gagner la fortune qu’il n’a pas, il s’efforce de persuader à George Fielding de l’accompagner aux colonies, car il veut avoir auprès de lui quelqu’un dont la capacité et la probité lui soient connues; mais le jeune fermier, qui a commencé par lui opposer son attachement pour le home, pour cet endroit natal où il a, dit-il, a pris racine comme un arbre dans le sol, » finit par laisser percer