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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/484

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REVUE DES DEUX MONDES.

Europe. Si M. de Cavour conserve le ministère de l’intérieur, ainsi qu’il y paraît décidé, nous croyons que c’est avec la pensée d’agir efficacement dans la voie des réformes. L’organisation d’un enseignement laïque, la translation de l’état civil de l’église à la commune sont des mesures qui ne doivent pas se faire attendre plus longtemps en Piémont, si l’on veut y consolider les progrès accomplis depuis 1848. Quelques heures en Savoie ont suffi pour nous démontrer l’urgente nécessité de cette émancipation du pouvoir civil dans un pays où le parti clérical comprend si peu sa situation privilégiée, qu’il ose se dire persécuté.


E. Forcade.


La Société française au XIIIe siècle d’après le Grand Cyrus,
Par M. Victor Cousin[1].


Que dira-t-on de notre temps dans deux ou trois siècles ? Où cherchera-t-on les secrets de notre vie sociale, le reflet de nos mœurs et de nos caractères ? L’histoire en dira moins peut-être que de simples romans. C’est une consolation que peuvent se donner les auteurs de bien des inventions frivoles et hasardeuses ; ils peuvent se dire que leurs œuvres, condamnées à un prompt oubli après un succès sans durée, reparaîtront dans quelques siècles comme pour rendre témoignage sur un monde dont elles auront été l’amusement éphémère. Qui sait ? Peut-être se trouvera-t-il un jour quelque esprit éminent qui les tirera de la poussière et leur rendra ou essaiera de leur rendre la flamme évanouie de la jeunesse. Ainsi fait M. Cousin avec le Grand Cyrus et cette société du XVIIe siècle qu’il connaît si bien, dont il s’est approprié la langue, et dans laquelle il voit une des plus nobles images du génie français. M. Cousin n’avait qu’à rester lui-même pour comprendre Pascal ; il a presque appris la guerre pour connaître Condé et raconter ses batailles ; il n’avait qu’à céder au sentiment de la beauté et de l’élégance pour se laisser charmer par Mme de Longueville. Il fallait un peu plus d’effort pour arriver jusqu’à Mlle de Scudéry et au Grand Cyrus. La plus heureuse fortune du roman est d’avoir conquis M. Cousin en lui inspirant ce livre récent sur la Société française au dix-septième siècle. Ce n’est pas que Mlle de Scudéry et le Grand Cyrus n’aient eu dans leur temps de bien autres fortunes et une grande renommée. Le Grand Cyrus fut un moment le charme d’une société tout entière ; il était recherché, goûté à la cour, à la ville et jusque dans les provinces, ni plus ni moins que ne le serait un de nos romans les plus en vogue. Condé l’aimait, et Mme de Sévigné le lisait avec passion. Madeleine de Scudéry elle-même était une personne de mérite, quoique de figure disgracieuse ; elle avait de l’esprit, quoique avec un mélange de pédanterie. L’élévation de son âme se marquait dans sa fidélité au malheur et aux vaincus pendant la fronde. Elle mettait dans l’expression des sentimens

  1. 2 vol. in-8o, chez Didier.